Afrique

Santé publique : quels défis pour notre continent ?

Ces défis sont nombreux : ils sont politiques, financiers et technologiques. Les gouvernements africains y sont tous confrontés. Avec les aides extérieures en train de se tarir, ils planifient désormais des politiques de santé nouvelles, tout en comptant sur certains savoir-faire étrangers.

Mpox, fièvre hémorragique, polio, choléra, rougeole, tuberculose ou encore diphtérie. La liste est longue : ces maladies touchent tout ou partie des grands ensembles régionaux, Afrique de l’Ouest, de l’Est ou australe. « Les pays africains sont actuellement confrontés au défi unique de devoir faire face simultanément à une forte prévalence de maladies transmissibles, telles que le paludisme et le VIH/sida, et à des niveaux croissants de maladies non transmissibles, telles que les maladies cardiovasculaires et le diabète », analyse Francisca Mutapi, codirectrice de la Global Health Academy. Une situation alarmante qui malheureusement est aujourd’hui amplifiée par la baisse notable des financements étrangers suite à la fin des programmes bilatéraux subventionnés par USAID, comme l’a décidé l’Administration Trump. Face à ces multiples menaces, les gouvernements africains repensent désormais leurs stratégies.

 

Quelles réponses africaines ?

 

L’année 2025 s’achève bientôt, et le bilan sanitaire fait craindre le pire pour plusieurs pays. « Avec la tendance actuelle, nous nous attendons à un nombre bien supérieur de choléra à celui de 2024, déplore Yap Boum II, responsable adjoint des incidents pour le Mpox au Centre africain de contrôle et de prévention des maladies (CDC Afrique). Cette situation est due à de nombreux facteurs, notamment le changement climatique et la crise que nous observons au Soudan, qui a accéléré la propagation du choléra au Soudan, au Tchad et au Soudan du Sud. » Selon le CDC, pour les seuls choléra et mpox, le continent devrait enregistrer cette année plus de 4200 décès.

Quelles sont donc les réponses que tentent d’apporter les gouvernements face à ce type de menaces ? À l’échelle du continent, l’Union africaine (UA) a renouvelé – en mai dernier – son partenariat stratégique avec l’Organisation mondiale de la santé (OMS) afin de renforcer les systèmes de santé. « Cet accord marque un nouveau chapitre dans la coopération entre l’UA et l’OMS, estime Amma Adomaa Twum-Amoah, commissaire à la Santé, aux Affaires humanitaires et au Développement social de l’Union africaine. En collaborant plus étroitement, nous pouvons mieux répondre aux besoins de santé de nos populations et veiller à ce que personne ne soit laissé de côté. L’UA apprécie le rôle central et de premier plan de l’OMS dans le domaine de la santé mondiale et se réjouit à la perspective d’approfondir ce partenariat stratégique. Nous devons passer de la budgétisation pour la survie à la planification de la souveraineté sanitaire. » Une stratégie commune qui se décline en 5 points : renforcement des systèmes de santé, renforcement de la santé reproductive et de la santé de la mère, du nouveau-né, de l’enfant et de l’adolescent, lutte contre les maladies, amélioration de la nutrition et de la sécurité alimentaire, et enfin renforcement des ripostes face aux situations d’urgence.

 Cette année, plusieurs pays ont ainsi lancé de nouveaux programmes. Au Nigéria, le gouvernement a inauguré une plateforme numérique – Care365 Health Hub – pour moderniser l’accès aux soins de santé, et le rendre abordable. Aux yeux du ministre de la Santé et des Affaires sociales, Muhammad Ali Pate, « il s’agit d’une nouvelle étape dans notre parcours visant à construire un système de santé plus fort et plus réactif ». Au Sénégal, le nouveau pouvoir du président Bassirou Diomaye Faye a lancé en avril le plan Compact Santé, afin de mettre en place une Couverture sanitaire universelle (CSU). Dans le même ordre d’idée, au mois d’août, le Kenya a posé le cadre d’une nouvelle stratégie en vue, là aussi, de proposer une couverture médicale universelle, le ministère de la Santé et la Social Health Authority signant un accord avec le secteur privé du pays, et plus précisément avec l’Association des assureurs. Une stratégie public-privée louée par l’OMS qui y voit « un jalon important vers l’accès universel », et par les partenaires bilatéraux du Kenya comme la Banque africaine de développement (AfDB) et la France.

Des solutions venues d’ailleurs

 

Tout ne sera en effet pas entre les mains des pouvoirs publics. Si les grandes stratégies doivent être pensées à l’échelle continentale, chaque pays peut aussi apporter des réponses spécifiques en fonction de ses besoins et des menaces qui planent sur ses populations. Cela passe donc par une couverture médicale élargie, mais aussi par le dépistage des maladies et par la prévention des risques sanitaires. Et, plus généralement, par l’innovation technologique tant le secteur de la santé connaît de petites révolutions.

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Cette année par exemple, trois pays – le Bénin, le Mali et l’Afrique du Sud – ont signé un accord avec l’École polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL) et le Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV) pour développer un outil basé sur l’intelligence artificielle, à travers la plateforme de réseautage Global Health EDCTP3, fruit d’un partenariat entre l’Afrique et l’Union européenne. Objectif nº1 : améliorer le dépistage de la tuberculose en Afrique subsaharienne, grâce à des échographies boostées à l’IA. Selon Mary-Anne Hartley, professeure adjointe et responsable du laboratoire LiGHT, « la force de cet outil révolutionnaire réside non seulement dans son accessibilité et son faible coût, mais aussi dans le fait qu’il répond aux critères stricts fixés par l’OMS pour le triage de la tuberculose ». Cet outil pourra faire ses preuves en conditions réelles en Afrique. Une bonne nouvelle d’après l’OMS qui considère que la tuberculose représente un lourd fardeau économique pour les pays concernés : « Pour près de 68% des ménages touchés par la tuberculose en Afrique, le coût du traitement est catastrophique. De nombreuses familles sont confrontées à des frais médicaux élevés, à une perte de revenus et à une protection sociale inadéquate, ce qui entrave le respect du traitement et la guérison totale. » Prendre en charge la maladie au plus tôt présente donc des avantages économiques. Un argument pour de nombreux pays.

 

 

 

La prévention des risques est aussi essentielle dans la panoplie des stratégies à mettre en place d’urgence. À commencer par rompre les chaînes de contamination, comme cela avait été le cas lors de la pandémie mondiale de COVID-19 en 2020-2021. Et les objets de tous les jours, manipulés par de nombreux utilisateurs, sont particulièrement visés par les autorités sanitaires. Avec au premier titre, les billets de banques. Plusieurs pays comme le Botswana, la République démocratique du Congo ou le Burundi ont pour cela choisi de faire confiance au procédé mis au point par l’entreprise française Oberthur Fiduciaire : les billets ainsi traités intègrent des produits antifongiques, antibactériens et antiviraux, ce qui les empêchent de se transformer en vecteurs de contamination. « Lorsqu’une banque centrale émet des instruments dont la vocation est de circuler de main en main, elle doit s’assurer, en toute objectivité, que toutes les mesures possibles ont été prises pour que cette circulation n’entraîne pas de nouvelles contaminations », estime Nicolas Koutros, Directeur Général Adjoint d’Oberthur Fiduciaire. Si les autorités des pays concernés connaissent déjà ce type de produits, le grand public ne connaît pas forcément l’éventail de ses applications puisqu’il peut protéger les surfaces présentes dans l’espace public (poignées de porte, transports publics ou autres) pour prévenir les risques de contamination par les usagers. Une solution qui a fait ses preuves et qui pourrait donc se généraliser dans de multiples espaces du quotidien.

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On le voit, la réussite des politiques de santé publique en Afrique dépendra, dans les années qui viennent, de grandes orientations et de choix véritablement panafricains, mais aussi de technologies disponibles dans des pays tiers mais qui peuvent renforcer à bon escient les politiques sanitaires mises en place par nos gouvernements. Pouvoirs publics et entreprises privées doivent saisir les opportunités pour faire de l’Afrique un continent bien mieux armé en termes de santé publique.

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