Au Kenya, le bilan de la répression des manifestations contre la loi de finances qui se sont déroulées mardi 25 juin, s’alourdit. 23 morts et 300 blessés, dans tout le pays, selon plusieurs organisations de défense des droits humains. Au lendemain de ces violences, les organisations des droits de l’homme demandent des comptes aux autorités.
Ce mercredi matin, la KHRC, la Commission kényane des droits de l’homme, a tenu une conférence de presse pour dénoncer les pratiques répressives de la police hier. L’usage de balles réelles ou encore le déploiement de l’armée dans les rues de la capitale ne sont pas dignes d’un État de droit, selon l’organisation.
Elle pointe la responsabilité du commandant de la police kényane et surtout du président William Ruto, qui s’obstine à ne pas écouter son peuple. Selon la KHRC, la mobilisation a touché 67 villes du pays hier, ce qui est historique.
Un bilan qui pourrait s’alourdir
Le bilan pourrait s’alourdir en raison des violences qui ont eu dans la nuit à Githurai, dans la banlieue de Nairobi. C’est ce qu’affirme le Groupe de travail sur la réforme de la police, une plateforme qui réunit 23 organisations de la société civile. Il estime à plusieurs dizaines, le nombre de personnes tuées cette nuit par la police à Githurai.
D’après la KHRC et une source jointe sur place, en fin d’après-midi, la police a ouvert le feu sur une foule qui revenait de Nairobi, à l’heure de pointe. Est-ce qu’il s’agissait de manifestants ou de simples travailleurs ? Ce n’est pas encore clair. Dans tous les cas, la KHRC dénonce la violence de la police, et parle de « massacre ».
Le président kényan William Ruto a annoncé en milieu d’après-midi de ce mercredi le retrait du projet de budget 2024-25. Ce matin, l’une des figures du mouvement de contestation avait appelé à manifester à nouveau demain, jeudi 27 juin, pacifiquement, en mémoire des victimes. « Le pouvoir souverain appartient au peuple du Kenya. Vous ne pouvez pas tous nous tuer », écrit notamment sur X, la journaliste et militante, Hanifa Adan.
Le projet de loi de finances, déclencheur des manifestations
C’est le projet de loi de finances 2024-2025 qui a mis le feu aux poudres. Il prévoyait de nombreuses hausses de taxes, notamment sur des produits du quotidien : le pain, les serviettes hygiéniques ou encore sur les transferts d’argent. Les autorités cherchent à lever 2, 7 milliards de dollars d’impôts supplémentaires.
L’État kényan a-t-il besoin d’autant de liquidités ? Le Kenya est endetté, trop endetté. 68% de son PIB contre les 55% maximum préconisés par la Banque mondiale. La conséquence est que le pays paie un service de la dette très important, une dette publique qui est catégorisée à risque de surendettement « élevé », et fait face à une crise de liquidités. Or, il doit assumer des dépenses publiques conséquentes.
William Ruto s’est donc tourné vers le FMI pour l’aider à sortir de l’impasse. La première recommandation de l’institution est d’améliorer ses rentrées fiscales pour contrecarrer le « dérapage » de l’an passé. Il lui faut donc lever plus d’impôts et de taxes, des mesures très impopulaires au sein de la population.
Des mesures macro-économiques qui semblent pourtant commencer à porter leurs fruits. En février, après plusieurs années d’exclusion des marchés financiers internationaux, le Kenya a pu de nouveau y lever de la dette, indice d’une confiance retrouvée. Ou encore une croissance qui devrait s’approcher des 6% cette année, là où elle n’est que de 1,3% en Afrique du Sud. Mais ces indicateurs ne se ressentent pas encore dans la poche des Kényans, durement touchés ces derniers mois par des phénomènes climatiques violents et par une inflation qui frôle les 8%.