Economie

À Lomé, Faure Gnassingbé lance un plaidoyer pour une souveraineté africaine face à la dette

La capitale togolaise accueille, du 12 au 14 mai 2025, la Conférence de l’Union africaine sur la dette. Une rencontre de haut niveau marquée par l’intervention du président du Conseil du Togo, Faure Essozimna Gnassingbé, qui a livré un discours d’une rare intensité, appelant à une refondation du cadre mondial de gestion de la dette.

C’est dans une atmosphère empreinte de convivialité que s’est ouverte, lundi 12 mai à Lomé, la Conférence de l’Union africaine sur la dette publique. Réunis autour du thème « Agenda de gestion de la dette publique en Afrique : restaurer et préserver la viabilité de la dette », chefs d’État, représentants d’institutions économiques, experts financiers et décideurs publics sont venus plancher sur l’un des enjeux les plus critiques pour l’avenir du continent : la soutenabilité de ses finances publiques.

La cérémonie d’ouverture a été marquée par la présence de plusieurs personnalités, dont le président ghanéen John Dramani Mahama, et par le discours très attendu de Faure Gnassingbé, président du Conseil du Togo. Dans une adresse grave et offensive, ce dernier a dénoncé la spirale de l’endettement qui menace de faire imploser les fragiles équilibres socio-économiques africains, tout en appelant à une gouvernance souveraine et pragmatique de la dette.

Une crise silencieuse mais structurelle

Face à un auditoire attentif, Faure Gnassingbé a décrit sans détour une réalité inquiétante : en dépit des réformes menées ces vingt dernières années, les États africains voient leurs marges de manœuvre se rétrécir sous le poids d’une dette croissante. En 2024, le continent a déboursé plus de 160 milliards de dollars au titre du service de la dette, un montant supérieur aux budgets cumulés de la santé et de l’éducation.

Pourtant, a rappelé le président togolais, les efforts n’ont pas manqué : amélioration de la gouvernance, transparence budgétaire, renforcement des institutions de contrôle… Malgré cela, l’étau se resserre. D’après les données du FMI et de la Banque mondiale, 25 pays africains sont aujourd’hui en situation de détresse ou à haut risque de surendettement, contre 9 en 2012. Une progression vertigineuse.

Contre une camisole budgétaire, pour une souveraineté assumée

« La viabilité de la dette ne peut être une camisole budgétaire imposée de l’extérieur », a déclaré Faure Gnassingbé dans une critique frontale des cadres d’analyse utilisés par les bailleurs multilatéraux. Selon lui, les méthodologies actuelles sont non seulement obsolètes, mais également contre-productives : « Les indicateurs sont inadaptés, les modèles trop conservateurs, et les critères de soutenabilité tiennent plus de l’automatisme technique que du bon sens politique. »

Il plaide pour une lecture plus dynamique et contextualisée de la dette africaine, qui prenne en compte le cycle des investissements, les impératifs de stabilisation régionale, et les effets d’entraînement à long terme. Car, dit-il, « on ne peut exiger la paix sans permettre qu’elle soit financée ».

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L’Afrique n’est pas en quête d’assistance, mais de liberté stratégique

Reprenant un ton à la fois solennel et combatif, Faure Gnassingbé a appelé ses pairs africains à faire front commun et à formuler une doctrine panafricaine de la dette. Une telle position commune permettrait non seulement de peser davantage dans les négociations internationales, mais aussi de remettre en question une architecture financière mondiale jugée inéquitable.

« Financer l’Afrique, ce n’est pas faire acte de charité, mais investir dans la stabilité mondiale », a-t-il martelé, avant d’ajouter : « L’Afrique est victime de dérèglements provoqués ailleurs. Il est temps que cela soit reconnu comme une responsabilité partagée, et non comme une fatalité. »

Son appel à une ambition collective s’est conclu par une invitation à renforcer les institutions régionales, à mieux coordonner les politiques macroéconomiques africaines et à forger, autant que possible, une voix unie face aux enjeux globaux.

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Une déclaration attendue, un tournant espéré

Les travaux, qui se poursuivent jusqu’au 14 mai, devront déboucher sur une déclaration commune des États africains. Celle-ci pourrait poser les jalons d’une nouvelle ère dans la gestion de la dette : plus politique, plus souveraine, et surtout plus alignée sur les priorités de développement endogène du continent.

Mais au-delà des intentions, c’est la mise en œuvre qui fera foi. Faure Gnassingbé a lancé un signal fort. Reste à savoir si ses homologues le suivront dans cette volonté de redéfinir les rapports de force entre le continent africain et les institutions financières internationales.

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