
Les Objectifs de développement durable (ODD) visent à changer le cours du 21e siècle, en relevant les défis tels que ceux de la pauvreté, aux inégalités à l’égard des femmes et des filles. Parvenir à l’égalité des sexes et autonomiser les femmes, c’est donc un objectif indépendant – l’Objectif 5 – au sein des ODD. Cette indépendance peut se valoir par un accès équitable à la terre, en vue de son exploitation au travers de l’agriculture pour en faire une source de revenus pour la femme. Au Togo, en général et dans certaines communautés, la réalité est tout autre même si juridiquement certains instruments sont esquissés pour régler le problème lié à l’accès des femmes à la terre.
Etat des lieux
Selon l’analyse des disparités dans la politique nationale pour l’équité et l’égalité de genre (PNEEG), 72% de la population active évolue dans le secteur agricole et 53,46% de cette population agricole sont des femmes. Fort malheureusement, elles ne gagnent que 10% du revenu monétaire tiré du fruit de leur labeur. Le droit de la femme à la propriété, qu’elle soit foncière ou non, est consacré par des instruments juridiques internationaux, notamment, la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, adoptée et proclamée par l’assemblée générale des Nations Unies, la Convention sur l’Elimination de toutes les formes de Discrimination à l’Egard des Femmes (CEDEF), adoptée par l’ONU (Organisation des Nations Unies) en 1979 et ratifiée par le Togo en 1983. Cette Convention pose le principe du droit des femmes à la propriété par la formulation d’un droit fondamental d’accès aux ressources naturelles.
Le pays a fait l’effort d’inclure dans les textes nationaux, les principes et valeurs consacrés par les divers instruments internationaux précités. La loi fondamentale qui est la Constitution consacre le droit des femmes d’acquérir des biens immobiliers et d’en disposer à volonté. Ledit texte pose le principe de l’égalité devant la loi ; ce qui suppose que les femmes devraient avoir accès à l’héritage et à tous les autres modes d’acquisition de la terre en tant que citoyennes ; principe de l’égalité oblige.
La transmission de la terre peut être légale ou testamentaire en matière successorale. En effet, un article du Code des personnes et de la famille laisse la liberté à toute personne disposant de toutes se facultés de faire régir la succession de ses biens, y compris la terre, par le régime successoral légal. Et cette option est actée devant un officier d’Etat civil ou par un Testament.
Mais la pratique est diverse.
Pour certains hommes, les femmes n’ont rien à voir dans la gestion du foncier et ne peuvent donc en aucun cas prétendre hériter de terres au même titre que les hommes. A en croire les résultats de l’étude de base réalisée par Sydel-Afrique pour le compte de la Fondation Konrad Adenauer, cette perception est majoritaire chez les hommes (64%) mais également chez certaines femmes qui ont même déclaré : « »si mon frère peut déjà hériter de la terre suite au décès de notre père cela me suffit, c’est comme si c’est moi qui l’ai hérité » ». Pour elles, les femmes n’ont pas les aptitudes et capacités nécessaires pour valoriser et gérer les terres. Il y a risque de perte de patrimoine familial au profit d’une autre famille. Solim, une des femmes interrogées dans nos investigations, va plus loin, soulignant que « »c’est pour cela que les filles uniques doivent se marier au sein de leur famille biologique pour préserver le patrimoine de leurs défunts pères » ».
La terre n’est pas considérée comme un bien qui peut être acheté ou vendu, mais est gérée en fonction des structures familiales et parentales, ainsi que des coutumes. Il existe un lien très fort entre les droits à l’héritage qui privilégient souvent les fils et l’accès à la terre détenu majoritairement par les hommes. Les femmes n’y ont accès que par l’intermédiaire de leurs parents ou membres de famille de sexe masculin.
Dans le village de Yikpa Dafo, dans Les Dayes (région des plateaux), la succession à la terre ne revient pas à la femme mais plutôt à la famille qui la cède en retour à toute femme de la famille qui en désire. « La terre ne revient pas à la femme. On y accède pour la culture mais la parcelle revient toujours à la famille », nous a confié la notable Meseko qui se réfère à la clairvoyance des aïeux en ce qui concerne le lègue de la terre à la femme.
« »Nos aïeux ont vite détecté le rôle capital que joue une femme dans la cité et ils leur ont accordé une importance conséquente. Donc, pour ce qui est de leur autonomisation, passant par l’exploitation des terres, elle ne fait que s’accroitre dans notre village avec les dispositions mises en place par le gouvernement du pays » », a indiqué la notable.
Toutefois, des témoignages recueillis chez certaines femmes d’Agou Apégame, soulignent clairement que « »les femmes n’ont rien à voir dans la gestion foncière. Elles peuvent exploiter les terres disponibles, mais seulement pour la production de cultures non pérennes. Elles peuvent construire sur les parcelles pour y habiter sans en être propriétaire. Les femmes participent aux réunions familiales pour le règlement des questions successorales, mais ne prétendent même pas à une part de portion de terre » ».
Ce que dénonce le réseau de femmes, Wildaf–Togo, pour qui, l’accès des femmes à la terre est un préalable de droit et une exigence économique pour un Togo sans faim. Une position d’ailleurs pleinement partagée par la ministre de la Promotion de la femme, Tchabinandi Yentcharé-Kolani, qui juge indispensable l’accès à la terre pour assurer une autonomie alimentaire et financière des femmes.
Et les initiatives pour améliorer l’accès des femmes à la terre n’en manquent pas
Pour relever ce défi de l’accès des femmes à la terre pour leur autonomisation, outre le nouveau Code foncier en cours d’élaboration, par le gouvernement, le ministère de la Promotion de la femme, d’après les informations, à nous confiées, se prépare à lancer le Projet d’autonomisation des femmes rurales au Togo (PAFERT).Par ce projet, le gouvernement, et précisément le ministère en charge de la Promotion de la femme, souhaite contribuer à la sécurité alimentaire, à la croissance économique nationale et à l’épanouissement des Togolais. Et, ce projet qui consiste à investir dans les femmes rurales, est destiné à valoriser leur potentiel et à réduire les problèmes auxquels elles sont quotidiennement confrontées. 78 villages identifiés dans 39 préfectures du pays ont été retenus dans son exécution, et met en partenariat 78 coopératives de femmes, 5 Ongs spécialisées en alphabétisation et 5 autres spécialisées en appui accompagnement des communautés de base. Le coût global du financement est estimé à plus de 7 milliards de F Cfa sur une durée de trois (3) ans. « L’initiation de ce projet est une démonstration de la volonté et de la détermination du gouvernement de rechercher les voies et moyens afin de satisfaire les besoins prioritaires des femmes en milieu rural, en faisant de l’agriculture un des moteurs du développement inclusif de notre pays », a confié la ministre de la promotion de la femme, Tchabinandi Yentcharé-Kolani.
Tout en reconnaissant les efforts faits par l’Etat en mettant en place le cadre légal et le dispositif institutionnel pour l’accès de la femme à la terre et à la propriété foncière, les réseaux des femmes estiment que cela ne se traduit pas dans la réalité. Il faut encore, précisent-ils, des textes d’application et des réformes pour une meilleure prise en compte de la femme dans les politiques agricoles et de sécurité alimentaire.
L’accès à la terre est donc un enjeu crucial et constitue également une facilité dans l’accès au crédit. Lorsque les femmes ne jouissent pas des mêmes droits de propriété que les hommes, elles voient leur statut social, économique et politique diminuer et ceci ne participe pas à leur autonomisation. « Vivement que la récente visite de la directrice d’Onu Femme, Oulimata Sarr au Togo donnera un coup d’accélérateur aux différentes initiatives, souhaite une organisation de la société civile.