Le 5 septembre 2023, le Professeur Adama Mawulé Kpodar entrait officiellement en fonction à la tête de l’Université de Lomé, conformément au décret n°2023-058/PR du 29 août 2023. A l’an 1 de sa prise de fonction, le Président Kpodar a accordé une interview exclusive à la Direction de la Communication et du Protocole (DCP) de l’Université de Lomé. Il fait un bilan d’étape de sa première année à la tête de la première université publique du Togo et donne libre cours à sa vision de la gouvernance universitaire.
1- Monsieur le Président, l’année académique 2023-2024 a connu deux événements majeurs qui ont marqué la vie de l’institution : l’accréditation du Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (France) et le classement Unirank qui place l’Université de Lomé au deuxième rang des universités francophones de l’Afrique de l’Ouest. Que vous inspirent ces reconnaissances à l’international ?
L’accréditation du Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (HCRES) et le dernier classement d’Unirank sont de véritables étalons de la modernisation de notre institution qui s’observe au travers de la qualité de la gouvernance et de la formation. Ils viennent récompenser l’implication de toutes les composantes de la communauté au rayonnement institutionnel et représentent une onde positive en écho aux efforts du gouvernement dont l’appui est indispensable pour le bon fonctionnement des universités publiques du Togo. Bien entendu, ces résultats sonnent au même moment comme un appel à nous tous à continuer par œuvrer davantage, afin de renforcer l’image de marque et d’une université prestigieuse de l’Université de Lomé au niveau sous-régional et africain.
2- Monsieur le Président, il est noté que vous avez opté pour une implication forte du Conseil de l’Université dans la gouvernance universitaire. Pouvez-vous nous dire ce qui a motivé ce choix ?
Comme le prévoient les statuts des universités publiques du Togo, le Conseil est l’instance qui entérine les grandes orientations de l’institution universitaire. En outre, les décisions prises au sein du Conseil revêtent un caractère inclusif, puisque toutes les couches de la communauté universitaire y sont représentées. Il s’agit aussi de la nécessité pour la gouvernance universitaire de respecter les règles de fond, de procédure, inscrites dans nos textes, et consacrées par les traditions universitaires multiséculaires.
3- Pouvez-vous revenir sur quelques décisions importantes du Conseil au cours de ces douze derniers mois ?
Par les efforts conjugués de mes prédécesseurs, des bonds qualitatifs ont été obtenus, notamment en termes d’infrastructures, donnant un visage moderne à notre institution commune. Toutefois, il est utile d’informer la communauté universitaire sur la nécessité d’entreprendre des actions urgentes sur le réseau électrique du campus en vue de sécuriser les infrastructures. En effet, la vétusté du câblage électrique expose l’Institution à deux risques majeurs. En premier lieu, on assiste à une récurrence des incendies, à l’instar des cas survenus à l’Institut des Sciences de l’Information, de la Communication et des Arts, (ISICA) et la Faculté des Lettres, Langues et Arts (FLLA). En deuxième lieu, on enregistre la perte d’énergie sur le réseau électrique, ce qui alourdit la facture que paye l’institution, en total décalage avec la consommation réelle. L’une des décisions importantes du Conseil a été donc d’autoriser le président à réaliser un audit et procéder à des travaux de recâblage en vue de sécuriser le réseau électrique et de rationnaliser la consommation d’énergie électrique. Ces travaux incluent la sécurisation du réseau informatique et numérique. Les travaux sont déjà entamés.
Le Conseil a également pris des résolutions importantes, notamment sur le plan académique et pédagogique sur lesquelles je pourrais revenir amplement.
Pour agir en profondeur sur les défis cruciaux relevant de l’axe académique et pédagogique, le Conseil de l’Université de Lomé a autorisé la mise sur pied de trois commissions pour réfléchir sur la question de la réussite à l’Université de Lomé. Plus concrètement, trois commissions ont été mises sur pied : la Commission de définition des indicateurs de formation et de la réussite (CODEFI), la Commission de réflexion sur les causes de la faiblesse des taux de réussite (CRER), et la Commission de définition de la stratégie de la pédagogie universitaire (COSPU). Toutes ces commissions ont présenté les conclusions de leurs rapports.
4- Monsieur le Président, à votre prise de fonction, vous avez affiché la volonté de renforcer la place de la ressource humaine au cœur de la gouvernance universitaire. Quels actes avez-vous déjà posé en ce sens ?
Dès ma prise de fonction j’ai reçu chaque doyen et directeur. Ces échanges m’ont permis de mieux les connaître et de toucher du doigt la spécificité des réalités et des défis d’une structure à l’autre. Plus tard, j’ai rencontré l’ensemble du personnel enseignant et administratif avec lequel j’ai eu des échanges sans tabou. Au tout premier conseil budgétaire tenu le 22 décembre 2023, j’ai obtenu l’autorisation des membres du Conseil de régler certaines questions urgentes. Au cœur de ces questions, figurait le versement des allocations de départ à la retraite à nos ainés. C’est ainsi que l’institution a pu verser au personnel enseignant et administratif admis à la retraite, à partir de 2011, leurs allocations de départ à la retraite.
5- Qu’en est-il du personnel en poste ? Nous avons assisté à des remous au sein de la communauté universitaire au cours de l’année écoulée. Heureusement la sérénité est vite revenue et l’année s’est achevée sur une note satisfaisante. La question est-elle pour autant réglée ?
Je voudrais une fois de plus, comme j’ai eu à le souligner dans mon communiqué du 23 mai 2024, saluer l’ensemble des syndicats des enseignants-chercheurs et du personnel administratif, technique et de service. L’esprit d’ouverture et de confiance réciproque qui prévaut au cours de nos différentes rencontres ont fini par convaincre l’ensemble des parties prenantes que seul le dialogue permet d’engranger des avancées sur les questions d’amélioration des conditions de vie et de travail. En août dernier, nous avions eu deux rencontres. Avec le nouveau ministre, le dossier sera institutionnellement pris en compte. Je salue la vigilance des syndicats qui ont su prendre la bonne décision du dialogue et non de la violence qui comporte le risque de la récupération de ceux qui ne souhaitent pas que le campus soit en paix. Les discussions se poursuivent dans le cadre de concertation et de dialogue ainsi créé avec l’accompagnement du ministre de tutelle et l’ensemble du gouvernement. En alliant patience et méthode, nous finirons, à coup sûr, par trouver des réponses appropriées et pérennes à l’ensemble de nos préoccupations.
6- A la dernière rencontre du cadre d’échange permanent universitaire (CEPU), les délégués généraux des étudiants ont relevé un certain nombre de préoccupations en lien avec la vie étudiante. Que leur répondez-vous pour rassurer les étudiants ?
Les préoccupations soulevées par les délégués généraux à savoir les défis liés à la massification, la capacité d’accueil des étudiants, la question des cours en ligne, le taux de réussite…, figurent en première ligne des priorités de l’institution.
La mise en œuvre des recommandations des différents rapports des trois commissions mentionnées plus haut, aura un impact significatif sur la qualité de la formation et l’amélioration du taux de réussite.
Dans la droite ligne de l’amélioration du taux de réussite, l’Université de Lomé a ouvert un chantier pour la construction des salles des professeurs. Dans dix mois, selon les prévisions, les enseignants auront un espace dédié qui leur facilitera l’exécution des tâches académiques. Les étudiants pourront ainsi échanger avec leurs formateurs dans ces espaces, véritables bureaux des pleurs. La présence accrue des enseignants aux côtés des étudiants aura un impact positif sur les résultats et offrira un meilleur accompagnement et un meilleur encadrement au cours des rédactions de mémoires et de thèses.
Un cadre est créé pour optimiser les formations en entrepreneuriat des étudiants dans la perspective d’une collaboration avec le Fonds d’Appui aux Initiatives Economiques des Jeunes (FAIEJ). Le Pôle Universitaire d’Innovation et de Technologie qui sera bientôt inauguré, abritera un Diplôme Universitaire (DU) en entrepreneuriat. Les responsables du master de l’Institut Afrique-Europe de l’Innovation et des Métiers (IAEIM) et celui de l’entrepreneuriat de l’Institut d’Administration des Entreprises (IAE) vont travailler en synergie avec le Centre d’Employabilité Francophone (CEF) de l’Agence Universitaire de la Francophonie (AUF), pour garantir une meilleure insertion professionnelle aux étudiants.
Sur le plan interuniversitaire, les universités publiques du Togo ont pris la responsabilité d’harmoniser les curricula et de faciliter la mobilité aux étudiants. C’est un processus qui s’appuie sur la politique du gouvernement dans l’enseignement supérieur tout en questionnant la compétitivité de nos diplômes sur le marché de l’emploi.
Aussi, si vous avez pu le constater, l’Université de Lomé a procédé à la revitalisation de son site internet : www.univ-lome.tg. En dehors de toute l’architecture du site qui a été rénovée, l’un des objectifs de cette revitalisation, est de prendre en compte prioritairement les attentes des étudiants, en accordant les premières places à l’académie et à la vie universitaire. Le site est donc dédié aux étudiants et permet une meilleure interaction avec eux et les alumni, favorisant ainsi un échange d’informations fluide et efficace.
Les défis sont encore immenses mais chaque pas compte pour inverser à terme, la tendance actuelle.
7- Quels sont les leçons apprises au cours de votre première année à la tête de l’Université de Lomé ?
Ce qui caractérise le milieu universitaire, c’est la diversité d’opinions par rapport à la gouvernance. Mais lorsqu’on développe une écoute fine à l’endroit des voix discordantes, on y puise des vertus insoupçonnées pour gagner en efficacité et en efficience dans les prises de décisions et dans la prise en compte des préoccupations de chaque composante de la communauté universitaire.
8- Nous sommes à l’orée de la rentrée académique 2024-2025. L’Université de Lomé est-elle prête pour une nouvelle année académique ?
Oui, nous sommes prêts ! La Direction des affaires académiques et de la scolarité (DAAS), le Centre des œuvres universitaires de Lomé (COUL) et la Direction des ressources et des supports informatiques (DRSI) travaillent d’arrache-pied et de manière concertée pour offrir un meilleur accueil aux nouveaux bacheliers et leur faciliter la primo-inscription. Tous les départements et filières s’activent pour un démarrage effectif des cours à la date indiquée.
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J’invite donc les nouveaux bacheliers et les étudiants à respecter les délais des inscriptions. Car le non-respect des délais prévus pour les inscriptions retarde le traitement des dossiers au niveau de la Direction des Bourses et Stages du ministère pour leur verser les bourses et allocations.
9- Monsieur le Président, votre mot de fin
Je voudrais une fois encore saluer l’implication de chaque composante de la communauté universitaire qui a été indispensable pour la sérénité dans le déroulement des activités académiques et pédagogiques. J’invite tous mes collègues enseignants-chercheurs, le personnel administratif, technique et de service, et les étudiants à envisager la prochaine année académique dans le même état d’esprit.
Du reste, les échanges vont se poursuivre autour des questions relevant de la qualité des conditions d’étude, de la formation et de travail, en vue d’aboutir à des solutions satisfaisantes.
Merci monsieur le Président
C’est bien moi qui vous remercie. J’adresse au passage, mes félicitations à l’équipe de la DCP qui fait un travail formidable.
Propos recueillis par l’équipe de la DCP