Au lendemain de la confirmation des résultats des législatives par la Cour constitutionnel en attendant celle des régionales par la Cour suprême, le parti Alliance nationale pour le changement, (ANC) donne de la voix. Pour Jean-Pierre Fabre, le chef de ce parti de l’opposition qui a obtenu un siège au sein du futur parlement, le double scrutin « est une farce » et les résultats proclamés par la commission électorale nationale indépendante (CENI) ne sauraient être acceptés. Reste à savoir s’il siègera dans la prochaine assemblée.
Déclaration liminaire de l’ANC
Le double scrutin des législatives et des régionales tenu le 29 avril 2024 est une farce, un brigandage électoral honteux qui met à nu le système autocratique du RPT/UNIR qui régente notre pays depuis 61 ans. Une véritable mascarade avec, malheureusement, des conséquences graves puisque ces prétendues élections, combinées avec l’imposture du changement de constitution, mettent en danger la République et la nation, en consacrant un pouvoir débridé, sans limite, un pouvoir absolu.
Le 29 avril 2024, les Togolais, désabusés, dans leur grande majorité, n’ont pas pris part à ces élections. Ils ont néanmoins observé de près et de loin, les fraudes et irrégularités grossières orchestrées sur toute l’étendue du territoire national, par le RPT/UNIR qui n’a pas lésiné dans les achats des consciences, les bourrages d’urnes et les manipulations des résultats, dans un contexte d’extrême pauvreté, de dénuement et de misère mais aussi de violence, de menaces et de terreur entretenu dans le pays.
Le régime dictatorial du RPT/UNIR poursuivait un seul objectif : faire de ce double scrutin une voie de contournement de la limitation des mandats afin de permettre à Faure Gnassingbé de demeurer au pouvoir ad vitam aeternam. Dans ce sens, le parti au pouvoir a tout mis en œuvre pour que les élections du 29 avril 2024 n’en soient point.
L’ANC rejette avec force tous les résultats, faux et frauduleux, au demeurant incohérents et ridicules proclamés par la CENI.
I Des dérives
Recensement électoral frauduleux, découpage électoral discriminatoire pour ne pas dire ségrégationniste, changement de Constitution par une Assemblée nationale illégitime et illégale, dont le mandat a expiré. Refus d’accréditation d’observateurs électoraux sérieux, suspension d’accréditation des médias internationaux, multiples reports de la date des élections, fixée en définitive un lundi, jour ouvrable. Cour Constitutionnelle de composition illégale rafistolée en pleine campagne électorale, Haute Autorité de l’Audiovisuel et de la Communication (HAAC) en fin de mandat depuis 2021, Commission Électorale Nationale Indépendante (CENI) dont le mandat a expiré depuis mars 2023.
Autant de dérives en vain dénoncées par l’ANC ainsi que d’autres acteurs politiques et de la société civile, qui ont impacté très négativement ces élections. Autant de dérives qui ont manifestement découragé les populations togolaises de la chose électorale, entrainant le fort taux d’abstention observé le jour du scrutin sur l’ensemble du territoire national.
II Des fraudes et manquements
1) Absence de logo de partis politiques sur les spécimens et sur le bulletin de vote.
Plusieurs cas d’omission de logo sont signalés dans plusieurs circonscriptions électorales :
- a) Sur les spécimens
Dans huit circonscriptions électorales, Assoli, Blitta, Danyi, Est-Mono, Haho, Kloto, Kpélé et Moyen-Mono, les candidats de l’ANC et le logo du parti ne figurent pas sur les spécimens de bulletins de vote. Ce manquement grave et délibéré de la CENI, est accompagné de campagnes d’intoxications et de désinformation orchestrées par le RPT/UNIR qui faisait croire que les listes ANC ont été invalidées dans ces circonscriptions par la Cour Suprême.
Cette situation a été lourdement préjudiciable aux listes du parti aux régionales. Plus graves, les lettres adressées par l’ANC, les 14 et 16 avril 2024 à la CENI et le 22 avril 2024 à la Cour Suprême à ce sujet, sont demeurées sans réponse et sans aucune action en vue de remédier à ces omissions.
- b) Sur les bulletins de vote
Lors du scrutin, plusieurs cas sont signalés notamment celui de la circonscription électorale de Blitta où le logo de l’ANC ainsi que le nom de la tête de liste ANC aux régionales ne figurent pas sur le bulletin de vote, comme l’atteste un des PV du centre de vote du canton de N’Poti.
2) L’exclusion des délégués et des membres des partis politiques de l’opposition dans les bureaux de vote et dans les (CELI), en violation du code électoral.
Ces exclusions sont systématiques sur toute l’étendue du territoire : dans la circonscription de l’Avé, le délégué de l’ANC à la CELI a été renvoyé par le président de la CELI de l’AVÉ tandis que dans la circonscription électorale de l’Akebou les délégués et des membres de l’ANC ont été renvoyés de plusieurs bureaux de vote et de la CELI afin qu’ils ne puissent pas faire leurs observations sur les procès-verbaux des législatives et les signer.
3) Les bourrages d’urnes
Dans plusieurs circonscriptions électorales, des agents électoraux à la solde du parti au pouvoir, appuyés par des chefs traditionnels, ont procédé à des bourrages d’urnes. Des images prises au moment des faits l’attestent éloquemment. Ainsi :
- dans le HAHO, les agents électoraux et les activistes du régime RPT/UNIR ont bourré des urnes, dans les villages d’Asrama, de Kponou, Djemegni, Tsagba, Dalia Bégbé,
Atsavé, Akpakpakpé et autres. Ils ont également brisé les sceaux qui ont servi à sceller les urnes pour changer les résultats en remplaçant les bulletins dans les urnes.
- dans le Vo, les bourrages d’urnes sont opérés devant les membres des CELI qui ont laissé le vote se poursuivre à Momè-Wodjépé, Momè-Hounkpati et Klologo. Les mêmes bourrages ont eu lieu à Dagbati où les urnes sont remplies de bulletins déjà votés avant le démarrage du vote. A Djankassè, c’est pendant qu’il s’activait pour empêcher les bourrages d’urnes que le candidat de l’ANC aux régionales sur la liste de Vo s’est mortellement écroulé.
- dans la plaine de Mô c’est le chef canton de Boulohou qui était à la manœuvre, en forçant les populations à voter pour UNIR et, à la fin du vote, en obligeant les agents électoraux à attribuer zéro voix aux partis de l’opposition.
4) De nombreux actes de brutalités
Le double scrutin des législatives et des régionales a connu de nombreux actes de brutalités exercées par les nervis du RPT/UNIR, sur tous ceux qui se sont opposés aux fraudes. Sans que les forces de sécurité des élections, la fameuse FOCELR, appelées à la rescousse, interviennent pour protéger les victimes des exactions.
La présence de la 1ère Ministre, Cheffe de gouvernement et tête de liste du parti au pouvoir, dans la circonscription électorale de Vo, a transformé cette circonscription électorale en un théâtre de violence et de brutalités particulières où des nervis du régime, surexcités, ont perturbé impunément, toutes les manifestations de campagne électorale de l’opposition, passé à tabac et renvoyé les militants et les représentants de l’opposition notamment ceux de l’ANC à Badougbé et ceux du FDR dans d’autres localités de la préfecture de Vo.
Dans la circonscription électorale de Wawa également, les représentants de l’ANC dans les deux bureaux de vote du village de Tomegbe, ont été passés à tabac.
5) Des achats de consciences et de l’utilisation des moyens de l’Etat
Les Togolais et l’opinion internationale ont suivi la distribution à grande échelle d’argent liquide, de vivres et de non vivres par les membres du RPT/UNIR avant, pendant la campagne électorale et même le jour de silence électoral, veille du scrutin. Des sacs de riz et de gari estampillés UNIR, des tôles et de l’argent le jour du vote dans les centres de vote ont été largement distribués en violation de la loi électorale qui prohibe l’achat des consciences. Le plus cocasse est la distribution de préservatifs, de sous-vêtements féminins strings et autres objets du sexe, également estampillés UNIR, preuve du caractère déliquescent d’un régime qui ne peut rien apporter de décent aux populations togolaises appauvries, affamées et meurtries.
En outre, comme à chaque élection, le RPT/UNIR ne s’est pas privé d’utiliser systématiquement, abusivement et illégalement, des moyens de l’Etat. Ainsi, les véhicules et le personnel de l’administration centrale, des collectivités territoriales, des entreprises publiques et parapubliques ont été mobilisés pour battre campagne à travers le pays, en faveur du RPT-UNIR. Même le Directeur Général de la Police Nationale, un militaire d’active, faisant fi de toutes les exigences de retenue, de réserve et de neutralité liées ses fonctions, ne se gênait pas de verser dans la propagande en s’exposant avec arrogance dans une tenue aux couleurs du RPT/UNIR ! Comme à l’époque l’ancien président de laCour Constitutionnelle.
6) Le vote des étrangers
Comme lors du recensement électoral, des étrangers ont prêté main forte au pouvoir en place, en participant massivement au scrutin, surtout dans les localités frontalières. C’est le cas à Bassar dans le canton de Bakpayam qui n’avait que deux bureaux de vote et où on a assisté pendant toute la journée à un ballet de tricycles convoyant des électeurs étrangers importés du Ghana voisin, malgré la fermeture des frontières terrestres, pour voter en faveur du RPT/UNIR. C’est en vain que des représentants de l’ANC ont tenté d’empêcher 80 étrangers de prendre part au vote. En outre, le chef du village et les membres d’UNIR ont contraint les membres des bureaux de vote à utiliser le reste des bulletins disponibles pour bourrer les urnes.
7) La falsification des résultats
Elle a été pratiquée systématiquement à l’intérieur du pays, à tous les niveaux et à grande échelle. D’abord, dans les bureaux de vote par les agents électoraux avec des procès-verbaux pré-signés comme ce fut le cas à Wodagni dans l’Akebou, ensuite dans les CELI par les présidents des CELI et enfin, à la CENI, comme le prouvent les résultats proclamés. Les cas des présidents des CELI d’Akébou et de l’Avé sont particulièrement éloquents.
8) Des chiffres compilés et proclamés qui défient l’arithmétique.
C’est une honte nationale que la grande majorité des procès-verbaux de comptage des votes dans les bureaux de vote, les fiches de compilation des résultats dans les CELI et à la CENI comportent des aberrations arithmétiques qui n’émeuvent personne. Quelques exemples édifiants :
⮚ Circonscription électorale de la plaine de Mô :
Nombre d’inscrits = 29221
Nombre de votants = 21 281
Nombre de bulletins nuls = 431
Nombre de bulletins comptés = 0
Suffrages exprimés = 27 850
Suffrages obtenus par UNIR = 25 000
⮚ Circonscription électorale du Golfe 2 :
Nombre d’inscrits = 87037
Nombre de votants = 27123
Bulletins nuls = 2009
Suffrages exprimés = 29136
Voix obtenues par les listes =25064
On constate ici que le total des suffrages exprimés est différent du total des voix obtenues par les listes de candidats !
Par-delà les performances démontrées une fois encore par la CENI en matière de fraude et de tricherie, il y a de quoi se demander si l’éducation nationale dans notre pays ne devrait pas accorder plus de sérieux à l’enseignement de l’arithmétique dans le primaire et surtout à la préparation au CEPD !
III De l’observation électorale internationale
Si l’on peut dire sans se tromper que les soi-disant observateurs internationaux invités par le Togo, en l’occurrence, ceux de l’Union Africaine, de la CEDEAO de l’OIF et de la CEN-SAD sont venus en villégiature au Togo comme d’habitude, il y a lieu de relever que les observateurs de la CEN-SAD ont été de surcroit, impertinents et malhonnêtes en mentant effrontément à propos de leur prétendue tentative de rencontre avec le Président National de l’ANC, M. Jean Pierre FABRE.
En effet, la veille du scrutin, une équipe d’observateurs de la CEN-SAD s’est présentée impromptu, au siège du parti, dans l’après-midi et a demandé à visiter le siège. Bien que cette équipe n’ait pas sollicité de rendez-vous, le président de la Commission Affaires Electorales de l’ANC, M. Éric DUPUY, a décidé de la recevoir. Curieusement, le temps pour M DUPUY d’aller l’accueillir au portail, la délégation est repartie. Dans sa conférence de presse au lendemain du scrutin, le chef de la délégation a prétendu, que M. Jean Pierre FABRE, a refusé de les recevoir. Alors que M. Jean-Pierre Fabre n’était pas au siège du parti le dimanche 28 avril 2024 !
Voilà la moralité des observateurs que notre pays préfère inviter pour ses élections alors qu’il refuse, sous les prétextes les plus fallacieux, les observateurs de l’Eglise catholique du Togo.
Au total, le 29 avril 2024, le Togo a organisé une parodie d’élection. Pour l’Alliance Nationale pour le Changement (ANC), le Togo vient de se livrer à une mascarade électorale, dans un climat de violence.
Dans le seul but de se maintenir indûment et indéfiniment au pouvoir, Faure Gnassingbé et le RPT/UNIR tentent de restaurer et d’institutionnaliser la dictature du parti unique, parti-Etat que le peuple togolais souverain a congédié par l’adoption de la Constitution de 1992.
Les Togolaises et les Togolais, qui rejettent avec beaucoup d’amertume, la tentative outrageuse en cours pour changer la Constitution qu’ils se sont librement et souverainement donnée le 27 septembre 1992, se mobiliseront assurément pour combattre sans répit, une telle indécence politique.
En s’inscrivant pleinement dans la même démarche, l’ANC n’entend pas laisser prospérer une telle imposture et la combattra farouchement, ensemble avec les populations togolaises. La lutte continue donc et l’ANC demeure plus que jamais résolument engagée aux côtés du peuple togolais pour libérer notre pays le Togo, des griffes de la dictature.
Fait à Lomé le 14 mai 2024
Pour le Bureau National
Le Président
SIGNE
Jean-Pierre FABRE