Depuis que l’utilisation des antibiotiques s’est généralisée, les bactéries se sont adaptées et ont développé des mécanismes de résistance. La seule stratégie de lutte contre l’essor de l’antibiorésistance est de promouvoir le bon usage de ces médicaments. L’Ordre national des pharmaciens du Togo vient d’achever une semaine de campagne de sensibilisation dans les officines. Et selon son président, Innocent Koundé Kpeto le bilan est satisfaisant avec un début de prise de conscience des populations. Retour sur une semaine d’activités, le rôle du pharmacien dans l’efficacité des antibiotiques et l’engagement de l’Ordre à poursuivre les actions après cette manifestation.
Origine des antibiotiques
En effet, les antibiotiques sont, à l’origine, des molécules naturellement synthétisées par des microorganismes pour lutter contre des bactéries concurrentes de leur environnement. Aujourd’hui, il existe plusieurs familles d’antibiotiques, naturels, semi-synthétiques ou de synthèse, qui s’attaquent spécifiquement à une bactérie ou à un groupe de bactéries. Certains antibiotiques vont agir sur des bactéries comme Escherichia colidans les voies digestives et urinaires, d’autres sur les pneumocoques ou sur Haemophilus influenzae dans les voies respiratoires, d’autres encore sur les staphylocoques ou les streptocoques présents au niveau de la peau ou de la sphère ORL.
Selon le site www.inserm.fr, les antibiotiques ne sont efficaces que sur les bactéries et n’ont aucun effet sur les virus et les champignons. Ils bloquent la croissance des bactéries en inhibant la synthèse de leur paroi, de leur matériel génétique (ADN ou ARN), de protéines qui leur sont essentielles, ou encore en bloquant certaines voies de leur métabolisme. Pour cela, ils se fixent sur des cibles spécifiques.
Grâce aux pharmacies d’officine dispersées sur tout le territoire, il est possible pour chacun d’entre nous de se procurer très rapidement les médicaments prescrits par le médecin ou l’une des nombreuses spécialités délivrées sans ordonnance.
L’heure de l’action
Devant le danger, l’ordre national des pharmaciens du Togo veut mettre l’ensemble de ses membres à contribution pour limiter les conséquences dramatiques, aujourd’hui prévisibles à l’horizon 2050, de l’antibiorésistance. Le pharmacien d’officine, en tant que professionnel de santé, est impliqué dans cette démarche de sauvegarde de l’efficacité des antibiotiques au Togo.
Le message a été clair : le pharmacien en tant que maillon indispensable de la chaîne thérapeutique, doit savoir jouer son rôle de conseil mais également de contrôle des prescriptions.
L’objectif est de parvenir à faire prendre conscience aux populations sur l’usage abusif des antibiotiques et le développement de la résistance aux antibiotiques. « Nous avons voulu prendre en compte la question de la résistance aux antibiotiques parce qu’elle est devenue aujourd’hui un problème mondial de santé publique », explique à 24heureinfo.com, le président de l’Ordre.
« Par cette semaine du pharmacien, nous avons souhaité nous interpeller nous-mêmes d’abord pour nous rappeler que nous pouvons agir et nous voulons agir, ensuite nous avons voulu interpeller nos collègues de l’ensemble du système de santé de notre pays et surtout la population sur cette banalisation de l’antibiotique avec des résistances qui d’ici l’an 2050 tueront plus que les maladies non transmissibles, comme le diabète notamment », assure-t-il.
Semaine du pharmacien, que retenir ?
Placée sous le thème, « l’anti-bio résistance et la lutte contre cette anti-bio résistance », la semaine du pharmacien s’est déroulée du 12 au 17 novembre loin des caméras.
Tout au long de cette semaine, chaque professionnel a fait acte de présence dans son officine pour rencontrer les clients et les patients avec des messages et explications autour des différents thèmes retenus pour la célébration. C’est ainsi qu’en a décidé l’Ordre. « Nous avons répondu aux interrogations de certains patients qui au vue des affiches et flyers que nous avons distribués ou affichés devant nos officines ont voulu en savoir plus et nous avons parlé avec eux. Pour le Conseil de l’ordre c’est une opération très intéressante parce que nous avons suivi l’enthousiaste de nos collègues », a assuré Dr Kpéto.
Avant ces séances d’éducation à l’endroit des clients et patients, les pharmaciens eux-mêmes-plus d’une centaine environ- ont participé à un enseignement postuniversitaire (EPU) animé par des éminents professeurs de l’Université de Lomé.
Pour l’ordre, il s’agit d’une mise à niveau des compétences des pharmaciens sur les notions fondamentales relatives à l’infection, l’antibiorésistance et l’usage rationnel des antibiotiques.
« Nous avons au cours cette séance rappelé à nos collègues les mesures hygiéno-diététiques simples qui permettent de prévenir l’infection ainsi que la responsabilité du pharmacien d’officine face a l’antibiorésistance. La problématique est que nous vivons dans un environnement où le péril infectieux est permanent et qui fait qu’on prend trop d’antibiotique et cette consommation trop importante, dès fois exagérée crée de la résistance », a expliqué l’ordre.
L’idée est simple. On ne finit jamais d’apprendre et l’objectif semble être atteint au regard des satisfactions des populations sur les conseils reçus et des professionnels eux-mêmes par rapport à l’engouement suscité chez les les clients et patients.
« Avant, il suffisait d’un simple malaise, que je cours dans une pharmacie pour acheter un antibiotique mais à la suite des explications fournies par les pharmaciens sur les radios et télés, je me préserverai désormais. J’ai pris la résolution d’éviter d’acheter ces médicaments sans aucune consultation préalable », nous assure dame Adjo. John de son côté a décidé de faire attention à l’usage excessif des antibiotiques. « Désormais, moi et ma famille, nous nous méfierons de ces antibiotiques sans consultation de médecin », nous a-t-il confié.
Pour les professionnels, le danger est réel et il faut agir. « Après cette semaine d’intense sensibilisation des patients, nous avons pris l’engagement de continuer car des clients continuent à nous interroger », confie un pharmacien
Responsabilité dans la délivrance de médicament
Face au patient, il est conseillé ou recommandé au pharmacien d’insister sur le respect de la posologie et de la durée du traitement car ils garantissent l’efficacité du médicament. Il doit aussi préciser que le médicament, prescrit pour une indication donnée, ne devra pas être utilisé en auto médication.
« En effet, toutes les infections ne sont pas dues à des bactéries et les antibiotiques n’agissent que sur les bactéries de leur spectre d’action », insiste le président de l’ordre.
Selon Dr Chantal Guéniot, journaliste médical, le rôle du pharmacien ne se résume pas à stocker des médicaments dans les bonnes conditions de conservation et à les délivrer, sans plus de précautions, aux clients qui en font la demande.
« Lors de la délivrance d’un médicament prescrit par un médecin, le pharmacien est tenu de contrôler la validité de l’ordonnance, d’analyser son contenu et de vérifier les modalités du traitement (doses, voies d’administration, durée…), les contre-indications et les interactions. En cas de doute, il doit téléphoner au médecin, pour vérifier la prescription. Ces précautions sont particulièrement importantes pour éviter les erreurs de dosage, chez l’enfant », fait-elle savoir.
Le pharmacien doit ensuite expliquer à la personne les modalités du traitement et, éventuellement, les précautions à prendre et les effets indésirables pouvant survenir. Ces informations doivent bien sûr être données avec discrétion, dans le respect du secret professionnel.
Le code de santé publique prévoit des règles précises. Ainsi, la quantité de médicaments délivrée en une fois ne peut être supérieure à une durée de traitement d’un mois, excepté pour les contraceptifs.
Le pharmacien inscrit les médicaments délivrés sur un registre, avec les noms et adresses du médecin prescripteur et du patient.
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Pour Dr Kpéto, le pharmacien est un acteur de santé publique qui reçoit de l’autorité une délégation de service public afin de rendre disponible et accessible les produits de santé efficaces et sûrs pour les patients. De ce fait, son exercice est réglementé : « Une des obligations qui fonde notre action présente est celle qui est édictée à l’article 9 du code de déontologie : le pharmacien prête son concours à la médecine sociale et collabore à l’œuvre de protection et de préservation de la santé publique, il contribue aux côtés des autres professions de santé, à l’information et à l’éducation du public en matière sanitaire et sociale, notamment la lutte contre la toxico, les IST etc… ».
« En rappelant les règles de bon usage du médicament, le pharmacien peut participer au succès du traitement et à la prévention des accidents toxiques », souligne un observateur.
Il peut aussi répondre aux questions n’ayant pas été formulées lors de la consultation ou à préciser les modalités du traitement.
Pour l’avenir, l’Ordre s’est engagé à multiplier ces initiatives de sensibilisation tant sur les antibiotiques que sur d’autres maladies pour permettre à la populations de prendre conscience des risques qu’elle court par la consommation abusive des médicaments surtout sans prescription, assure Dr Kpéto.