Les revendeurs illicites de médicament font la résistance. Fin janvier, ils ont lancé à Lomé, le Syndicat national autonome Lamese (SYNAA LAMESE) pour dit-on, « insuffler une impulsion forte à la dynamique enclenchée et apporter une réponse plus c o m p l è t e, g l o b a l e et institutionnelle » à leur activité.
Avec ce syndicat, les membres veulent instaurer un cadre permanent de dialogue avec les autorités et les partenaires pour une reconnaissance de leur secteur d’activité. Pour les pharmaciens, c’est un « désordre » qui nécessite une réponse rapide et appropriée.
30 janvier 2019, se sont réunis au centre Christ Rédempteur de Lomé, des hommes et femmes « revendeurs » de médicament pour un congrès électif et constitutif. Ces derniers qui ont pour bureau les marchés et les abords des rues veulent régulariser le secteur et échapper aux saisies de marchandises et emprisonnements auxquels ils font objet dans le cadre de la lutte engagée contre le commerce et la vente illicite des médicaments au Togo, un secteur d’ailleurs réglementé par des lois et textes. Pour Mme Aquereburu Ahlinba, secrétaire générale du syndicat, c’est une urgence et une nécessité de doter le secteur d’un cadre légal afin de « corriger » les relations conflictuelles qui existent entre eux et les pharmaciens agrées et réagir efficacement en cas de saisie de leur marchandise par la douane ou par les autorités compétentes.
Selon le syndicat, les revendeurs de médicaments -hors des officines de pharmacie- ont leur place dans la société parce qu’ils contribuent plutôt à « alléger les souffrances des populations vulnérables qui ont un pouvoir d’achat très faible ».
Si l’argumentaire « tient bon », selon leurs auteurs, il va à l’encontre des textes régissant le secteur.
Vente de médicament, ouverture de pharmacie, que dit la loi ?
Selon le code de la santé du Togo, le médicament est toute substance ou composition présentée comme possédant des propriétés curatives ou préventives à l’égard des maladies humaines ou animales, ainsi que tout produit pouvant être administré à l’homme ou à l’animal en vue d’établir un diagnostic médical ou de restaurer, corriger ou modifier leurs fonctions organiques. Par médicament générique, on entend toute « copie» d’un médicament princeps déjà mis sur le marché qui, tombé dans le domaine public, a les mêmes principes actifs que celui-ci, et revendique la même activité pour les mêmes indications. En la matière, seul la CAMEG a cette autorisation de commercialiser ce type de médicament.
Toujours selon cette même loi en son article 301, « nul ne peut importer des médicaments destinés à être utilisés sur le territoire national s’il n’a été expressément autorisé par la commission nationale d’enregistrement des médicaments et des autres produits pharmaceutiques à cet effet ». Or les revendeurs de médicaments importent généralement leur produit du Nigéria, Ghana ou du Bénin.
Si cette loi est plus vague sur certaines dispositions, un arrêté signé en 2012 par le ministre de la santé d’alors, le professeur Charles Kondi Agba, a clairement fixé les modalités d’octroi de la licence pour la création, le transfert ou la cession d’une officine de pharmacie privée au Togo. Ainsi, toute création de nouvelle pharmacie, tout transfert d’une officine de pharmacie d’un lieu à un autre, ainsi que toute cession d’une officine de pharmacie d’un titulaire à un autre est subordonné à l’obtention d’une licence d’ouverture délivrée par le ministre de la santé, après avis de l’Ordre national des pharmaciens du Togo. La demande est adressée à la direction de la pharmacie, du médicament et des laboratoires.
L’officine de pharmacie est l’établissement affecté à la dispensation au détail des médicaments, produits et objets dont la préparation et la vente sont réservées aux pharmaciens, ainsi qu’à l’exécution des préparations magistrales ou officinales.
La licence d’ouverture d’une officine de pharmacie privée précise l’identité et la qualification du ou des titulaires de l’officine de pharmacie, et elle fixe le site d’implantation où l’officine créée ou transférée sera exploitée.
Ne peuvent prétendre à l’obtention d’une telle licence que des pharmaciens titulaires d’un diplôme d’État de docteur en pharmacie ou d’un diplôme équivalent reconnu par les autorités nationales compétentes , être de nationalité togolaise, d’un pays membre de l’Union Économique Monétaire Ouest Africaine (UEMOA), ou ressortissant d’un pays ayant des accords de réciprocité avec le Togo, être inscrit â l’ordre national des pharmaciens du Togo puis attester d’une expérience professionnelle d’au moins deux (02) ans après l’obtention du diplôme, indique l’arrêté.
Se fondant sur ces extraits dudit arrêté, nous explique un professionnel du secteur, les revendeurs de médicament dans les marchés ou aux abords des rues ainsi que dans les coins des villes sont des « hors la loi » et sont à cet titre des « criminels ». « Les criminels ne sont pas simplement ceux qui tuent avec des armes, ou fusils, c’est aussi toutes ces personnes qui disent vendre de médicament à des patients sans avis du docteur ou sans consultation préalables », explique-t-il.
SYNAA LAMESE, une menace pour la santé des Togolais
C’est ce qu’il convient désormais de dire. « Votre pharmacie est menacée », alerte un responsable de l’Ordre national des pharmaciens du Togo, contacté par notre rédaction. « Votre pharmacien vous connaît bien et vous accompagne. Il adapte son conseil en fonction de votre demande, de tous vos traitements et de votre parcours de santé. Votre pharmacien est toujours en contact avec votre médecin, votre infirmière, l’hôpital… Elle est à proximité de chez vous et assure les gardes les nuits et dimanches », indique l’ordre des pharmaciens du Togo dans une note.
En clair, pour ce pharmacien qui a requis l’anonymat, les membres du SYNAA LAMESE ne sauraient prétendre être des « pharmaciens » vendeurs de médicaments dont l’origine semble être douteuse. Les conséquences sont nombreuses. La vente illicite du médicament constitue une dévalorisation de leur profession, estime-t-il.
« C’est une perte de valeur de la part du pharmacien. C’est la dégradation de la profession, ca va beaucoup plus loin, il y a dégradation de l’image qu’on avait de la profession. C’est comme si on a perdu à aller étudier durant des années et qu’on se retrouve au même niveau que ceux qui étaient au village », se plaint un autre pharmacien.
La vente illicite des médicaments pose un problème de santé publique. « Les vendeurs de médicaments illicites vendent la mort sans le savoir et beaucoup de cas de mort sont liés à la consommation des médicaments issus du marché parallèle », affirme un enseignant chercheur.
Mais le mal semble être profond, estime cet acteur de la société civile. « C’est regrettable que depuis que cette lutte a été lancée, les résultats peinent à être concrétisés. Si aujourd’hui ces revendeurs s’affichent c’est tout simplement parce qu’ils ont de grand soutien », a-t-il confié.
De fait, alerte-t-il, l’Etat-seul garant de la bonne santé des populations-, doit continuer la lutte contre ce type de commerce illicite. L’Etat doit prendre des mesures idoines pour mettre un terme à ce que les pharmaciens appellent le génocide causé par ces médicaments. L’appel sera-t-il attendu, l’avenir nous le dira.
Nous y reviendrons