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Journée internationale de la Francophonie: le français « progresse essentiellement en Afrique »

Ce mercredi 20 mars, c’est la Journée internationale de la Francophonie. L’occasion de discuter de la langue française et de son usage avec Jean-Marie Klinkenberg, linguiste et professeur émérite à l’ULiège. Il dirige le Conseil de la Fédération Wallonie-Bruxelles et fait partie du Conseil international de la langue française.

Le français est aujourd’hui parlé par 300 millions de personnes sur les cinq continents, dont près de la moitié en Afrique. Langue officielle de 32 États et gouvernements, ainsi que de la plupart des organisations internationales, et cinquième langue mondiale, le français est en forme et progresse encore dans le monde.

Il y a une progression en chiffres absolus très spectaculaire

« Elle progresse essentiellement en Afrique, et ce pour deux raisons. D’une part, le dynamisme démographique de l’Afrique, et d’autre part, même si c’est un continent en crise, les progrès de la scolarisation. C’est ce qui fait qu’aujourd’hui on peut dire qu’il y a une progression. Entre les chiffres dont on disposait pour 2014 et ceux d’aujourd’hui, il y a eu une progression de 10% en moyenne, et dans certains cas de presque 20%. C’est très inégalement réparti, mais il y a une progression en chiffres absolus très spectaculaire », explique-t-il.

Selon lui, l’avenir du français est sur le continent africain, « parce que les populations sont jeunes et on peut estimer qu’en 2050 les francophones qui auraient moins de 30 ans se trouveraient à 80 ou 90% sur le continent africain ».

Mais là est le paradoxe : ils sont quasiment majoritaires parmi les locuteurs francophones, mais n’ont pas leur mot à dire sur la langue.

« Le français, contrairement à d’autres langues qui sont répandues sur les cinq continents, comme le portugais, l’anglais ou l’espagnol, continue à avoir une certaine forme de centralisation. Les pouvoirs de décision sont encore en Europe. Nous fantasmons le rôle de l’Académie française, qui n’a aucune compétence dans les deux sens du mot compétence. D’une part, elle n’est pas légitime, et d’autre part, elle n’a pas de linguistes en son sein. Mais on continue à fantasmer son rôle et, du coup, les pays africains aujourd’hui n’ont par exemple pas d’instruments comparables à nos conseils de la langue ou à nos offices de la langue que nous avons en France, au Québec, en Suisse ou en Belgique francophone. Un de mes grands soucis serait donc de faire en sorte que les pays africains disposent de leurs voix sur le corps même de la langue. »

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Questionnements sur la domination masculine dans la langue

La langue française n’échappe pas au questionnement sur le genre et sur la domination masculine. Par exemple, la règle qui dit que le masculin l’emporte. Mais comment féminiser la langue française ?

« La Belgique francophone, et ça a été mon premier grand dossier comme président du Conseil de la langue française et de la politique linguistique, a pris des dispositions en 1933. Alors, on ne peut pas descendre des micros dans les cheminées des gens et faire la police linguistique. Ça, ça ne marche jamais. Au contraire, ça crée des raidissements. Mais ce qu’on peut faire, c’est de l’information, c’est faire circuler des documents. Par exemple, la Fédération Wallonie-Bruxelles a fait circuler en 1993 un petit fascicule avec une terminologie féminisée que tout le monde pouvait avoir gratuitement et il y a à peu près 60.000 exemplaires de cette plaquette qui ont été diffusés, ce qui est quand même phénoménal par rapport à notre population qui montre l’intérêt pour ces choses. »

L’écriture inclusive par exemple, dont on parle beaucoup et consiste à mettre des points à la fin des mots pour visualiser un peu toutes les terminaisons possibles. Il précise être réservé sur la question.

Élever le niveau de difficulté alors que nous avons déjà une orthographe passablement compliquée, c’est exclure aussi les gens

« Élever le niveau de difficulté alors que nous avons déjà une orthographe passablement compliquée, c’est exclure aussi les gens, et pas seulement des femmes, ça exclut des hommes et des femmes. Il faut donc faire très attention à ce qu’on fait, en ayant l’œil fixé sur l’objectif final, qui est bien cet objectif politique — disons-le — d’inclusion des catégories sociales qui sont exclues aujourd’hui. Économiquement et socialement, mais aussi à cause des instruments symboliques que sont la langue et les autres sémiotiques qui nous servent à communiquer. »

On se souvient aussi de cette proposition de réforme de l’accord du participe passé qui ne s’accorderait plus avec l’auxiliaire avoir. On ne sait pas ou cela en est et on continue à enseigner cette « vieille » règle dans les écoles.

« Ça n’en est nulle part, dans la mesure où il faudrait une concertation internationale en matière de langue, mais pas seulement en matière de nouvelles technologies, mais en matière de corpus de la langue. Et ça, nous n’en sommes nulle part. Je vous disais tout à l’heure que l’Afrique n’avait pas sa voix, mais en même temps, contrairement à ce qui se passe pour l’espagnol ou pour l’anglais, la Francophonie est en panne de concertation sur le corpus de la langue lui-même. »

BFM


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