
Gerry Taama aborde la vie chère, l’électricité, Aamron et propose des solutions pour améliorer la situation des jeunes.
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TRIBUNE-Il faut ressusciter l’espoir et créer des perspectives, sinon la répression finira par être submergée.
Nos dirigeants ne se rendent peut être pas compte de la détresse dans laquelle vivent nos jeunes. Moi, à plus de 50 ans, mon avenir se conjugue en souvenirs, mais que veut dire avoir 20 ans aujourd’hui pour un jeune Togolais ? . C’est le désespoir. Nos dirigeants ne s’en rendent peut être pas compte.
Par an, Il y’a environs 100 milles jeunes qui arrivent sur le marché de l’emploi. La fonction publique, quand il y’a des concours, en absorbe à peine 2000, le secteur privé formel, à peine 2000 aussi, le reste est projeté dans la fosse aux lions du secteur informel, qui souffre cruellement du manque de capitaux et de débouchés. Aujourd’hui, les milliers des jeunes avec qui je suis en contact n’ont qu’un seul rêve. Partir.
Il se trouve que ce rêve leur est interdit pour un certain nombre de raisons qui exacerbent leur irritabilité. À côté de cette vague, existe une autre proportion de jeunes Togolais, patriotes, chauvins ou simplement peu intéressés par l’aventure qui ancrent leur avenir dans le pays, et qui constatent tous les jours que la situation est presque sans issue.
Il se développe ainsi un climat anxiogène, une sorte d’angoisse existentielle sur une catégorie de personnes qui normalement ne devrait pas encore le sentir. La dépression est là. Omniprésente. Les jeunes ont perdu leur repère, sont soucieux de leur avenir, ont même cessé de s’amuser. Ils sont irascibles, perdus, ratatinés.
Dans une telle situation, la première solution, c’est de restaurer l’espoir en établissant un dialogue franc et sincère. Nous sommes malheureusement dans un pays où la communication est rompue entre les dirigeants et le peuple, entre les dirigeants et les jeunes. Le tissu social est au bord de la rupture.
La seconde solution c’est l’écoute. Le dialogue ne doit pas se faire à coup de communiqué et de discours. Mais il faut établir des passerelles où les échanges directs sont possibles. Pour cela, c’est à l’homme politique de descendre de son piédestal, tomber la veste et écouter, échanger, expliquer. Le politique dans notre pays est hors sol, et c’est mauvais.
La troisième solution est de créer des perspectives. Il faut montrer au Togolais la voie de la réussite, en mettant en avant des modèles, en accompagnant les pépites et les jeunes à fort potentiel, en sortant carrément du cercle militant. Le jeune Togolais n’a pas de repère et ne croit plus en lui, en son potentiel. Mais pour ce faire, il faut avoir utilisé les deux premières solutions.
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Sans restauration de l’espoir et de la confiance, la répression finira par être submergée. La cas Amron n’est que les prémices d’une lame de fond qui a un nom, le désespoir. Aamron disait une chose dans ses lives: je suis déjà mort, plus rien n’a de l’importance. L’absence de perspective est une tombe pour des milliers de jeunes. S’il n’y a pas de réponses adéquates à cette desespérance, deux situations sont possibles. Soit la résignation, ou la désignation comme agneau sacrificiel. Quand nous commençerons à avoir des milliers de jeunes se déclarant comme déjà morts, la répression perdra de son efficacité.
Nos dirigeants ne comprennent pas le facteur démultiplicateur de désespoir de la dernière réforme constitutionnelle. Les élections présidentielles ont toujours nourri les espoirs d’alternance politique. Leur suppression plonge ceux qui y croyaient dans une réalité sidérante: donc rien ne va changer pour longtemps ? Est-ce le terminus ? . Plus aucune projection positive dans le futur n’est possible . C’est un facteur de sidération que les auteurs de cette réforme n’ont peut être pas pris en compte.
Pour le jeune Togolais dans la vingtaine, c’est déjà la fin des temps, comme le disait Fukuyama. La répression ne suffira pas à endiguer cette lame de fond si jamais elle se forme. Si rien ne change, demain, des milliers d’Aamron vont se dresser et éructer leur désespoir, car étant déjà morts.
Il faut restaurer l’espoir.
Gerry