Culture

« Gladiator II » : Hollywood se jette dans l’arène politique

Avec ses films de gladiateurs, la « machine à rêves » américaine a forgé une mythologie où il est davantage question de la guerre du Vietnam ou de l’intervention en Irak plus que de l’Empire romain.

« N’êtes-vous pas rassasiés ? Ne vous êtes-vous pas assez divertis ? » lance Maximus à la foule dans une des scènes marquantes de Gladiator, sorti en 2000. Il faut croire que non, car la suite de l’histoire du général romain déchu, qu’on surnommait « L’Espagnol » dans l’arène, sort en salles mercredi 13 novembre. Russell Crowe et Joaquin Phoenix ont laissé leur place à Paul Mescal et Denzel Washington, mais le réalisateur Ridley Scott, lui, n’a pas rengainé sa caméra. Et il promet du spectacle, du spectacle et encore du spectacle. Avec, en arrière-plan, une réflexion politique sur l’époque, la marque de fabrique du péplum depuis son appropriation par Hollywood.

Les trois commandements du péplum

Les canons du genre ont été forgés lors l’âge d’or du péplum, entre 1945 et 1965 – le déclin des films à grand spectacle en jupette étant lié pour les spécialistes au bien nommé La Chute de l’empire romain, avec Sophia Loren et Alec Guinness en têtes d’affiche.

Règle n°1 : on ne parle que très vaguement d’Antiquité. « Regardez le prologue rajouté au début de Quo Vadis (1951) qui établit un parallèle entre Néron, persécuteur des chrétiens, et les Nazis », appuie l’historien américain Martin M. Winkler, auteur de nombreux livres sur la représentation de cette période sur grand écran. Autre superproduction de la décennie, Les Dix Commandements s’ouvrent sur un monologue expliquant que l’histoire qui va suivre raconte « la naissance de la liberté », mettant en opposition les serviteurs de Dieu et ceux asservis au pharaon Ramsès. « Les hommes sont-ils la propriété de l’Etat ou des âmes libérées sous l’égide de Dieu ? La bataille continue encore aujourd’hui. » Le ton est donné.

 

Règle n°2 : si l’Empire romain peut servir à incarner l’Allemagne nazie, l’URSS totalitaire ou la face sombre des Etats-Unis, les chrétiens persécutés symbolisent toujours les Américains. « A cette époque, les Romains sont immédiatement identifiés comme des méchants par le spectateur, au même titre que les nazis », illustre Martin M. Winkler. « Rien d’étonnant à ce qu’on les fasse jouer par des acteurs britanniques, quand les personnages qui se dressent contre la tyrannie comme Moïse, Ben-Hur ou Spartacus sont incarnés par des acteurs américains, comme Charlton Heston et Kirk Douglas », appuie le spécialiste du péplum Michel Eloy.

Règle n°3 : regardez la date de sortie du film, vous saurez inévitablement de quoi il parle. Prenez Quo Vadis (1951). « Un pays sous le joug d’un tyran, Néron, qui abuse du culte de la personnalité, pour le spectateur de l’époque, la référence à Staline est évidente », appuie le critique de cinéma Laurent Aknin. Une grosse décennie plus tard, La Chute de l’Empire romain se conclut par une leçon de realpolitik énoncée par un vieux sénateur, démontrant que les alternatives à la guerre sont préférables… reçue par des spectateurs contemporains de la guerre du Vietnam.

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franceinfo

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