Diplomatie

Négociations ACP-UE : Coup d’envoi, enjeux et type d’accord envisagé

Le coup d’envoi des négociations devant conduire à un nouvel accord de partenariat ACP-Union européenne (UE) en remplacement de l’accord de Cotonou qui expire en février 2020 a été donné le 28 septembre 2018 à New York, aux Etats-Unis, en marge de la 73ème session ordinaire de l’Assemblée générale des Nations unies sur décision des deux parties. Par cette cérémonie solennelle, l’UE et le Groupe des États d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP) ont officiellement acté leur option pour la continuité. Le monde a profondément changé et le futur accord devra intégrer un certain nombre de réalités si le partenariat ACP-UE veut vraiment être en phase avec l’esprit du temps.

Le contexte actuel est celui du décentrement du monde, le monde n’a plus de centre et de périphéries et, pour dire les choses crûment, l’Occident ni l’Europe ne sont plus le centre du monde. Le monde se définit aujourd’hui par une multipolarité portée par une diversité d’acteurs qui travaillent à peser sur son destin. Tenir compte de cette évolution historique permet de faire évoluer le partenariat ACP-UE pour l’inscrire dans une logique inédite : celle d’une stricte égalité caractérisée par la justice et l’équité des termes de la coopération. Les ACP attendent plus d’équité et moins de déséquilibre dans le futur accord de partenariat. Les limites de l’accord de Cotonou en termes de déséquilibre dans le rapport des échanges commerciaux sont connues de tous.

L’une des difficultés du partenariat ACP-UE, du début jusqu’à présent, c’est l’inégalité productive des deux parties. L’économie européenne a une grande force de production alors que les ACP ont une capacité productive très faible. L’inégale « capabilité », pour reprendre l’expression d’Amartya Sen*, qui caractérise les économies des deux parties pose problème. L’avantage de l’UE en termes de possibilité d’échanges commerciaux avec les ACP est très supérieur à celui du Groupe ACP.

Si par principe le marché européen est ouvert aux pays membres des ACP, ces derniers ne tirent pas encore sur le plan commercial suffisamment d’avantage. La faiblesse des capacités productives des ACP ne leur permet pas de tirer meilleur profit des possibilités que leur offre l’ouverture du marché européen. Le libre accès au marché européen est un atout pour les ACP, mais travailler à tirer davantage de profits du marché européen demeure un défi. Les ACP doivent travailler à renforcer leurs capacités productives et à augmenter le niveau de leurs exportations vers l’UE.

L’exigence d’équilibre des ACP dans les termes du futur accord de partenariat est connue de l’UE, mais faire en sorte que cet équilibre voulu et exprimé devienne une réalité reste un défi. D’où le travail de fond qui doit se faire et se fait toujours du côté des ACP. Les experts et les négociateurs des ACP travaillent au quotidien à l’interne sur les négociations. Ce travail de fourmi mérite d’être fait parce que les négociateurs actuels des ACP sont très conscients de leur responsabilité historique. Négocier au nom de 79 pays sans un sens élevé de responsabilité serait une faute grave que les générations futures du Groupe ACP ne pourront comprendre ni pardonner.
Les négociations sont conduites en toute responsabilité et aboutiront à un accord unique de partenariat à socle commun ayant trois piliers régionaux spécifiques. Le socle commun de l’accord portera sur les objectifs, les priorités et les principes généraux du futur accord et sur l’action multilatérale de l’UE et du Groupe ACP sur la scène mondiale. Les trois piliers régionaux seront des partenariats spécialisés entre l’UE et chacune des zones géographiques des ACP à savoir l’Afrique, les Caraïbes et le Pacifique, dans le cadre du partenariat ACP-UE. L’accord envisagé, de par sa structure, marque une rupture par rapport au passé.

L’objectif étant d’arriver à la signature d’un nouvel accord de partenariat ACP-UE au plus tard en 2020, les négociations qui, selon Antoine Pecquet (1704-1762) dans son ouvrage Discours sur l’art de négocier, préparent « les grands évènements », doivent être menées à un rythme soutenu.

Logiquement, la première phase des négociations permettra aux deux parties d’accorder leurs violons sur la structure du futur accord et surtout sur le format de l’organisation et la tenue des différentes séquences des négociations.

La deuxième phase des négociations portera sur le socle commun de l’accord. Elle permettra aux parties de s’entendre sur les principes directeurs, les objectifs généraux et les priorités générales de leur partenariat.

La troisième phase des négociations aura pour objet les trois piliers ou partenariats régionaux. La dernière phase des négociations sera celle de la consolidation de tous les acquis du processus, du réexamen de toute question ou sujet en suspens et de la conclusion des négociations. Le processus s’annonce un peu long mais nous y arriverons. « Espérer n’est pas une sottise, mais témoigne de la sagesse », dit le philosophe polonais Henryk Skolimowski

Avec la Lettre diplomatique

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