La dépression est une maladie mal connue, ignorée ou même négligée par la population. Pourtant, ses conséquences sont lourdes et affectent toutes les dimensions de la vie de sa victime. Pour mieux la connaître, la prévenir ou la traiter, Docteur Todjro Kodjo (Dr.TK), psychologue clinicien et de la santé, expert près les Cours et Tribunaux du Togo s’est confié à l’Agence togolaise de presse (ATOP). Lisez.
ATOP : Qu’entend-on par dépression ?
Dr. TK : La dépression c’est une maladie mentale. Elle se manifeste par des humeurs moroses, c’est à dire que celui qui souffre d’une dépression, est triste et irritable. On constate chez ces personnes, un désintérêt, un dégoût pour la vie. On se rend compte que c’est des gens souvent qui vont s’enfermer. C’est le retrait social. Ils manifestent peu d’intérêt pour les activités qui les intéressaient avant. Parfois ces personnes en arrivent aux crises de larmes.
En bref, la dépression affecte toutes les dimensions de la vie de la personne atteinte. Elle n’arrive plus à être productive au niveau professionnel et a de la peine à prendre soin de sa famille et de ses enfants.
Particulièrement chez les sujets africains, on observe d’autres symptômes. Ceux-ci manifestent beaucoup d’autres troubles qui sont un peu organiques. On peut noter chez ces gens, des algies (Douleur ressentie, quels qu’en soient la cause, le siège, les caractères ; douleur sans lésion caractérisée) diverses et des troubles de concentrations. Ils se plaignent parfois de l’insomnie. Il faut noter que la dépression est à différencier d’avec une tristesse passagère parce que dans la vie, certains évènements peuvent survenir d’une manière passagère qui vont amener les sujets à être triste à un moment donné. Mais, si ces symptômes que nous venons de citer perdurent quotidiennement et pendant au moins deux semaines, on peut soupçonner une dépression.
ATOP : Quelles en sont les causes ?
Dr.TK : Les causes de la dépression sont un peu complexes. Nous pouvons indexer les évènements sociaux par exemple la difficulté d’accepter la perte d’un être cher. Quand on perd un être cher, on devient triste. Et si on n’a pas bénéficié de soutiens de l’entourage qui puisse aider à pouvoir mieux gérer nos émotions, nous pouvons développer une dépression. Il y a aussi le chômage, des évènements douloureux relatifs aux relations humaines, des frustrations au niveau professionnel. Par exemple, des situations de harcèlement et de stress professionnel peuvent engendrer chez certains la dépression dans le temps. Il faut noter qu’il y a différents niveaux de dépression qui sont entre autres la dépression légère qui des fois passe inaperçu ; des cas de dépression majeure où le sujet peut aller jusqu’à manifester des idées suicidaires et même passer à l’acte.
Les statistiques de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) nous montrent que plus de 700 mille personnes meurent par suicide par an parce qu’ils sont déprimés. Il faut également souligner que les maladies graves et chroniques peuvent entrainer la dépression. L’annonce d’un cancer ou d’une tumeur par exemple peut entrainer la dépression chez un sujet.
Parfois, la dépression peut entrainer des maladies cardiovasculaires, l’hypertension ou le diabète. Il faut souligner que bon nombre de personnes sont déprimées parce qu’elles ont une maladie grave qu’elles gèrent difficilement. Elles pensent que la mort est proche et elles sont tristes. La dépression chez ces sujets peut être majeure et également légère.
ATOP : Existe-t-il des personnes prédisposées ?
Dr. TK : Nous pouvons dire que toute personne dans certaines situations données peut déprimer. Il n’existe pas une prédisposition en tant que-t-elle, malgré le fait que des fois on peut constater dans certaines familles, des gens qui dépriment plus souvent. Si les évènements de la vie auxquels la personne fait face, sont aussi grave, cette personne peut développer la dépression.
ATOP : Que faut-il faire pour éviter la dépression ?
Dr. TK : Pour prévenir la dépression, on peut procéder de deux manières. Primo, il faut se préparer à accepter le fait que, quel que soit notre vie ou notre situation, les évènements malheureux vont toujours arriver. Secundo, quand ces évènements malheureux arrivent et que ça nous impacte, il faut disposer des moyens pour pouvoir les gérer au mieux. Quand on se rend compte que les moyens dont nous disposons ne sont pas efficaces, on peut recourir à la famille parce qu’elle constitue un soutien. Mais quand on se ferme sur soi-même, des fois on manque de mécanismes et on perdure dans les sentiments négatifs qui sont générés par l’évènement malheureux qui est arrivé. Le recours à la famille est très important pour la gestion des difficultés auxquelles l’on est exposé.
Nous devons noter que la dépression est une maladie et quand on se rend compte qu’on est trop triste et cette tristesse dure dans le temps, on est irritable, on peut aller solliciter l’aide à l’hôpital en consultant les psychiatres ou les psychologues pour qu’on puisse vous aider à vous en sortir.
ATOP : Comment soigne-t-on la dépression ?
Dr. TK : La dépression se soigne comme toutes les maladies mentales. Au niveau de l’hôpital, il y a un traitement psychologique. Quand la dépression s’installe, le psychologue peut aider la personne à mieux gérer le problème, ce qui permettra à la personne de s’en sortir. Mais quand ça devient majeure, on doit faire recours également à la chimiothérapie (les médicaments) pour aider la personne à retrouver une bonne humeur.
De la dépression mineure jusqu’à la dépression majeure, les psychologues interviennent parce que la chimiothérapie n’agit sur l’humeur. Cependant, le choc psychologique est géré par un spécialiste. C’est-à-dire que face à un évènement, si les mécanismes dont on dispose pour gérer l’évènement sont défaillants, c’est en ce moment que la dépression s’installe. Tout le monde peut être triste quand il y a un évènement, mais parce que nous savons donner un sens à cet évènement que nous finissons par le classer dans notre histoire de vie. Le psychologue est là pour aider la personne à avoir les mécanismes nécessaires pour pouvoir gérer le problème.
Dans la dépression majeure, la personne peut aller jusqu’à délirer. Il y a des gens qui, dans la dépression peuvent aller se faire des idées de persécution. Par exemple chez nous au Togo, il va dire que tous ses problèmes viennent de quelqu’un qui cherche à le nuire. Cette façon de faire va amener la personne à encore s’enfermer sur elle-même parce qu’elle pense que son environnement est hostile à elle. Après lui avoir donné les produits, il faut qu’on arrive à l’amener à changer de mécanisme, à voir les choses autrement.
En bref, il faut analyser les mécanismes, voir en quoi ils sont défaillants et amener le malade à pouvoir développer d’autres mécanismes pour mieux faire face aux problèmes. Pas seulement le problème actuel mais d’autres problèmes à venir. La dépression peut s’étaler dans le temps. Il y a des épisodes dépressifs. Une dépression non traitée peut être oubliée avec le temps mais quand un moindre évènement survient, la personne sombre de nouveau à cause de l’antécédant qu’il n’a pas défait. Donc ces épisodes vont se suivre et c’est quand il va faire une tentative de suicide que les gens sauront à quel point c’était sérieux.
Lire aussi-Covid-19 : la dépression et l’anxiété ont augmenté de 25% en un an
ATOP : Un mot pour conclure
Dr.TK : Pour conclure, je dirai que dans notre communauté, les gens stigmatisent toujours ceux qui présentent les maladies mentales. Et quand on dit de quelqu’un qu’il est déprimé, c’est comme une insulte. Nous devons reconnaitre de nos jours que la dépression c’est une maladie comme toutes autres (le paludisme par exemple). On doit amener quelqu’un qui souffre d’une dépression à l’hôpital pour qu’on puisse le soigner et pour qu’il puisse retrouver le goût de vivre pour mieux vivre.
