
Le 05 mars prochain, l’Agence togolaise de presse (ATOP) célèbre son jubilé d’or. 50 ans au service de l’information nationale, « des avancées notables » saluées dans cette interview par l’actuel directeur, Eyebiyi Kokouvi Adéyêmi qui retrace le chemin parcouru ainsi que les défis et perspectives de cette première agence de presse au Togo, un organe étatique confronté à des difficultés dans un environnement médiatique concurrencé.
ATOP : 50 ans déjà dans le paysage médiatique togolais, quel bilan ?
Eyebiyi Kokouvi Adéyêmi: Créée en mars 1975, l’ATOP a pour mission la collecte, le traitement et la diffusion d’informations nationales et internationales. Au fil des décennies, l’agence a su s’adapter aux évolutions technologiques en lançant un site internet : www.atop.tg et en étant présente sur les réseaux sociaux, notamment Facebook et X (anciennement Twitter). Ces initiatives visent à offrir une information en temps réel et à répondre aux attentes d’un public de plus en plus connecté. Lors des célébrations de son cinquantième anniversaire, les discussions ont mis en lumière des défis persistants, tels que le manque de personnel et de ressources matérielles, ainsi que la nécessité de diversifier les sources de financement et de renforcer les compétences du personnel pour rester compétitif à l’ère du numérique.
En somme, ces cinquante dernières années ont été marquées par des avancées notables dans le secteur médiatique togolais, mais également par des défis persistants. La célébration du jubilé d’or de l’ATOP offre une occasion de réfléchir aux stratégies d’amélioration de la qualité de l’information et d’assurer une adaptation continue aux évolutions technologiques et sociétales.
Quelles sont les difficultés majeures de l’Agence ?
L’Agence togolaise de presse, en tant que service public national, est confrontée à plusieurs défis majeurs qui entravent son fonctionnement optimal. Parmi ces difficultés figurent :
- Des contraintes financières : Comme de nombreux médias togolais, l’ATOP fait face à un manque de ressources financières. Cette situation limite sa capacité à investir dans des équipements modernes, à former adéquatement son personnel et à assurer une couverture médiatique exhaustive.
- Des pressions politiques : En tant que média d’État, l’ATOP est souvent perçue comme étant sous l’influence des autorités politiques. Cette perception peut affecter la crédibilité de ses informations et limiter sa marge de manœuvre éditoriale.
- Une transition numérique : Avec l’évolution rapide des technologies de l’information, l’ATOP doit s’adapter en intégrant les outils numériques dans ses processus de production et de diffusion. Bien que des efforts aient été faits, notamment avec la refonte de son site web et une présence accrue sur les réseaux sociaux, la digitalisation complète reste un défi.
- La formation et le professionnalisme : Le besoin de renforcer les compétences professionnelles des journalistes est crucial. Une formation continue est nécessaire pour améliorer la qualité des reportages et garantir le respect des normes éthiques et déontologiques.
- Une concurrence des médias privés : L’ATOP évolue dans un environnement médiatique où les médias privés sont nombreux et diversifiés. Cette concurrence impose à l’agence de se démarquer par la qualité et la rapidité de ses informations, tout en maintenant sa mission de service public.
- Le cadre juridique de l’ATOP est obsolète : Avec le décret de 1975, il est donc essentiel de le revoir et de l’adapter aux nouvelles réalités et exigences.
Pour surmonter ces défis, il est essentiel que l’ATOP bénéficie d’un soutien accru, tant au niveau financier que structurel, afin de renforcer sa capacité à informer le public de manière indépendante, professionnelle et adaptée aux exigences du paysage médiatique actuel.
En termes d’évolution technologique, l’ATOP est-elle à la pointe ?
L’ATOP a entrepris des efforts notables pour se moderniser et s’adapter aux évolutions technologiques. Elle a notamment refondu son identité graphique, mis à jour son site web et renforcé sa présence sur les réseaux sociaux tels que Twitter, afin de diffuser l’information en temps réel et d’atteindre un public plus large.
Cependant, des défis subsistent. Lors de la cérémonie de lancement du 50ᵉ anniversaire, le 10 janvier 2025, le directeur de cabinet du ministère en charge de la Communication, Franck Missité a souligné la nécessité de poursuivre la modernisation de l’agence pour répondre aux défis du numérique. Il a également insisté sur l’importance d’investir dans les nouvelles technologies, de renforcer les capacités du personnel et d’explorer de nouvelles approches pour répondre aux exigences journalistiques actuelles.
En somme, bien que l’ATOP ait fait des progrès significatifs en matière de digitalisation, elle continue de travailler pour se positionner à la pointe de l’évolution technologique dans le secteur médiatique togolais.
L’ATOP a lancé bientôt 3 ans, un projet de modernisation. Qu’en est-il de ce projet ambitieux ?
Ce projet ambitieux, lancé en 2022, avait pour objectif de refondre entièrement le site web, de mettre en place une nouvelle charte graphique incluant un logo modernisé et plus attrayant pour l’ATOP, ainsi que d’équiper les centres et bureaux en ordinateurs et appareils photos numériques. Il prévoyait également la mise en place de connexions Internet et de moyens de transport adaptés pour ces centres et bureaux, tout en améliorant les conditions de travail grâce à la réhabilitation des locaux abritant nos bureaux.
Dans la perspective de diversifier nos productions, il est aussi prévu la mise en place d’un studio à Lomé pour la production des capsules vidéos. Toutefois, en raison de contraintes financières, le projet est actuellement suspendu en attendant de mobiliser les ressources nécessaires. C’est pourquoi, nous appelons à la mobilisation de nos partenaires nationaux et internationaux pour soutenir la réalisation de cette initiative ambitieuse.
L’ATOP est-elle représentée dans toutes les préfectures du pays ?
À cette question, je répondrai à la fois oui et non. Oui, car nous déployons des efforts pour couvrir les activités dans toutes les préfectures du pays, bien que cela puisse parfois entraîner des retards et des difficultés.
Non, car en raison d’un manque de personnel, nous ne disposons pas de correspondants dans toutes les préfectures. Pour pallier cette situation, nos collaborateurs situés dans les préfectures voisines s’efforcent de couvrir les zones dépourvues de correspondants.
A propos de vos correspondants à l’intérieur du pays, toutes les conditions sont-elles réunies pour un travail professionnel ?
Je profite de vos micros pour saluer la collaboration sincère et constructive que nous entretenons avec les correspondants à l’intérieur du pays. Je tiens également à souligner les efforts remarquables qu’ils déploient chaque jour, et ce, malgré des conditions de travail particulièrement difficiles.
Malheureusement, le constat reste préoccupant, car ces correspondants font face à de nombreux défis, notamment le manque de matériel de travail adéquat ; l’absence de moyens de déplacement adaptés ; l’accès difficile à certaines zones ; une connexion Internet insuffisante et le manque d’infrastructures adaptées.
Toutefois, je tiens à remercier le gouvernement, à travers notre ministère de tutelle, pour les actions entreprises en faveur de l’ATOP. Grâce à ces efforts soutenus, certains centres ont pu être équipés, en 2021, d’ordinateurs, d’appareils photos et de smartphones Android, grâce à un don du PNUD.
Les défis sont persistants, quelles sont alors les perspectives de l’Agence ?
L’Agence a des ambitions sur le court, moyen et long terme.
1- Court terme (1 à 2 ans)
Renforcement des capacités numériques : avec la montée en puissance des médias numériques et des plateformes en ligne, l’ATOP pourrait chercher à améliorer sa présence sur internet, en diversifiant ses formats (articles, vidéos, podcasts) et en améliorant sa visibilité sur les réseaux sociaux.
- Modernisation de l’équipement : Mettre à jour ses infrastructures pour se conformer aux standards technologiques actuels, comme l’acquisition de nouveaux outils pour la production de contenu multimédia (vidéo, infographies, etc.).
- Formation du personnel : Une priorité pourrait être de renforcer les compétences des journalistes en matière de journalisme numérique et de gestion des nouvelles technologies de l’information.
2- Moyen terme (3 à 5 ans)
- Amélioration de l’indépendance éditoriale : L’ATOP pourrait chercher à accroître son indépendance tout en maintenant une relation étroite avec le gouvernement pour garantir un service public d’information. L’objectif serait de devenir un acteur clé de l’information impartiale et fiable.
- Partenariats stratégiques : L’Agence entend développer des partenariats avec d’autres agences de presse régionales et internationales pour élargir sa portée et sa crédibilité.
- Diversification des sources de revenus : Pour réduire sa dépendance aux financements publics, l’ATOP ambitionne de diversifier ses revenus en créant des services payants, en attirant des annonceurs ou en lançant des initiatives de contenu sponsorisé.
3- Long terme (5 ans et plus)
- Numérisation totale : L’ATOP pourrait se transformer en un acteur clé du journalisme numérique dans la sous-région, avec une plateforme entièrement numérique, couvrant des sujets nationaux et internationaux, et atteignant un public large et diversifié.
- Rôle central dans l’écosystème médiatique : L’Agence ambitionne évoluer pour devenir un pilier majeur du paysage médiatique togolais, jouant un rôle important dans la régulation et la formation des professionnels des médias, notamment en matière d’éthique et de déontologie journalistique.
- Innovation et recherche : Elle pourrait développer des projets de recherche dans le domaine des médias, en collaboration avec des universités et des institutions internationales, pour explorer des modèles nouveaux de production et de diffusion de l’information.
En résumé, à court terme, l’ATOP se concentrerait sur la modernisation de ses infrastructures et la mise à jour des compétences de ses équipes. À moyen terme, l’accent serait mis sur l’expansion numérique et l’autonomisation financière, tandis qu’à long terme, l’Agence pourrait devenir un acteur majeur de l’information régionale et internationale.
Le 5 mars prochain sera l’apothéose des 50 ans de l’Agence. Quelles sont les grandes activités au programme de cette célébration ?
Ce mercredi 5 mars, une journée porte ouverte est prévue à la direction de l’ATOP, un évènement au cours duquel des tableaux d’honneur seront décernés à des agents retraités et ceux en activité. Plusieurs autres activités sont au menu de cette journée sous le parrainage de Mme le ministre en charge de la Communication. J’invite la population à venir découvrir nos réalisations, à apprécier une exposition de photos et de nos anciens appareils, bref une occasion de revisiter l’histoire de l’ATOP.
Cet anniversaire marque-t-il un nouveau départ de l’Agence ?
Pour l’ATOP), un « nouveau départ » pourrait signifier des réformes internes, l’adoption de nouvelles technologies, une ligne éditoriale repensée, ou encore un engagement renforcé envers l’indépendance et la qualité de l’information.
Interview réalisée par AMEKOUVO Akouétey