
Dr Idi Illiassou Mainassara, ministre de la santé publique du Niger, a signé samedi 18 janvier à Lomé, au nom de son président, la déclaration de Lomé contre le trafic illicite des produits médicaux de qualité inférieure et falsifiés. Par cet acte, le Niger s’associe à six autres pays dont le Togo, le Ghana ou encore l’Uganda à criminaliser ce trafic qui coûte la vie à 120 000 enfants par an, selon l’organisation mondiale pour la santé et rapporte 200 milliards de dollars américains aux trafiquants. Il revient pour 24heureinfo.com sur la portée de l’initiative de Lomé, qui n’est pas un sommet de plus des chefs d’Etat mais une prise de conscience collective devant un mal du siècle.
24heureinfo.com : quel est le message clé du sommet des chefs d’Etat contre le trafic illicite de médicaments ?
Dr Idi Illiassou Mainassara : D’abord, c’est un appel pour la mutualisation des efforts dans le cadre de la lutte contre les faux médicaments, les médicaments de qualité inferieure ou falsifiés. Pourquoi ? Parce que les faux médicaments constituent aujourd’hui un véritable problème de santé publique, un véritable danger pour la population africaine. Ce qu’attestent les études qui relèvent que, près de 60% des médicaments qui rentrent en Afrique sont des médicaments de qualité inferieure ou des médicaments falsifiés. Or, les médicaments de mauvaise qualité augmentent le taux de morbidité, augmentent de taux mortalité de nos concitoyens.
Si le médicament n’est de bonne qualité, on ne peut pas avoir la qualité de soin. Nous avons une vision politique et une vision technique. La vision politique, c’est l’engagement des plus hautes autorités, l’engagement de nos chefs d’Etat et vraiment le sommet de Lomé nous a démontré que nos chefs d’Etat sont engagés.
Malgré la récente malheureuse attaque qui a couté la vie à 89 de nos soldats, la délégation du Niger a pris sur elle d’être présente, parce que le trafic des faux médicaments, constitue une autre source de la promotion de la criminalité. Aujourd’hui, la promotion des faux médicaments est égale à la promotion de la criminalité transfrontalière, de la criminalité régionale…. Les terroristes aujourd’hui utilisent ces faux médicaments pour se faire de l’argent pour ensuite, s’armer et créer la désolation sur nos frontières et dans nos pays.
Dans son message par visioconférence à l’ouverture du sommet de Lomé, notre président a lancé un appel très fort et à la fin de ce sommet, nous nous sommes réjouis des engagements de nos différents chefs d’Etat. Ils se sont engagés vaille que vaille à lutter contre l’accumulation des faux médicaments en Afrique.
C’est un sommet qui nous a permis d’apprécier l’engagement de nos Etats à faire face avec l’appui de la fondation Brazzaville à ce trafic illicite.
Cette initiative n’est pas une initiative de plus, mais une initiative complémentaire pour accompagner nos Etats dans une lutte d’ensemble, pour vraiment mettre fin à la promotion de médicaments illicites, à la promotion de médicaments falsifiés ou de médicaments de mauvaises qualités ou de qualité inferieure. Ce sommet a jeté les bases, c’est un processus qui démarré depuis des mois et qui va continuer, aujourd’hui le sommet n’est que la consécration.
10 à 15% des produits pharmaceutiques vendus dans le monde seraient falsifiés selon les estimations. Ce taux s’élèverait à 60 % en Afrique. Il y-a-t-il péril en la demeure ?
Bien sûr ! C’est un véritable problème de santé, c’est un danger, donc il faut prendre toutes les dispositions, il faut faire en sorte que les textes qui ont été élaborés puissent être appliqués dans toute leur rigueur. Je me félicite des efforts que déploient chaque pays. Au Bénin par exemple, beaucoup de choses ont été faites avec la fermeture des fausses centrales pharmaceutiques et la lutte acharnée contre les trafiquants. Chez nous au Niger, nous avons pris les mêmes dispositions, nous avons eu à fermer beaucoup de centrales pharmaceutiques, beaucoup de dépôts, tout ça pour réduire vraiment le trafic illicite des faux médicaments.
Ou en est-on avec la recherche scientifique ?
La recherche scientifique continue. Les faux médicaments, c’est quoi ? C’est un médicament qui ne suit pas le circuit normal d’approvisionnement. Un médicament depuis sa naissance, (fabrication), doit avoir une autorisation de mise sur le marché, un nom de naissance, une durée de validité, une posologie, les effets secondaires, mais avec les faux médicaments, on ignore l’origine, on ignore l’acte de naissance. C’est en ce sens que les recherches continuent mais, la lutte contre les faux médicaments doit être rigoureuse, pour décourager les gens qui cherchent à s’enrichir mais en tuant. Le développement des faux médicaments incite au développement de réseau de la criminalité, parce c’est l’argent de ces faux médicaments aujourd’hui, qui finance les réseaux criminels.
Que dites vous sur l’inégale répartition des pharmacies dans nos pays africains ?
Ce n’est pas parce qu’on n’arrive pas à couvrir le territoire en pharmacie qu’il faut laisser prospérer les réseaux criminels. L’objectif de nos Etats, c’est d’arriver à une couverture acceptable mais avec de bons médicaments disponibles partout, surtout ceux essentiels, génériques, que ça soit dans le public ou dans le privé. Si l’on arrive à avoir de bons médicaments, il y aura réduction de la morbidité et la mortalité liées à l’accumulation des faux médicaments.
Pensez-vous que la couverture santé universelle (CSU) est l’une des solutions à ce trafic illicite ?
Oui. La couverture est une solution, et on est en pleine mise en œuvre des stratégies de la CSU dans tous nos Etats, à travers la promotion de la santé à base communautaire, la formation accélérée des agents de santé, le respect de la couverture de plan sanitaire dans nos Etats.
On est déjà dans la couverture santé universelle quand vous prenez tous nos pays aujourd’hui.