
Agbéyomé Kodjo, député déchu de son immunité parlementaire, retrouvera bientôt les bancs de l’Assemblée nationale après un boycott des séances d’après le 22 février. Mais dans quelle atmosphère ?
Quel jour retournera-t-il à l’hémicycle depuis sa défaite présidentielle? Comment se sentirait-il parmi ses collègues députés? A ces togolais qui lui colleront le profil de traître ? Ou à son fauteuil présidentiel « volé » ?
Les questions lui seront posées, il ne répondra surement pas : Agbéyomé Kodjo, candidat malheureux à la présidentielle du 22 février est présenté souvent comme quelqu’un qui ne renonce pas facilement. Et contre qui ? Le système qui l’a façonné en un homme d’Etat.
Promu très jeune dans les sphères politiques, 34 ans (1988), ministre de la jeunesse sous Gnassingbé Eyadéma, Agbéyomé Kodjo gravit rapidement les échelons pour être porté en 99 à la tête du parlement togolais. « A ce poste, il se voyait déjà comme le dauphin du président Eyadéma », clame-t-on souvent. Vite déchanté et parachuté à la primature plus d’un an après, il entre en conflit avec le président et s’exile. Rentré au pays en 2005 et un séjour à la prison civile de Kara, à 420 km au nord de Lomé, Kodjo s’est muté en opposant.
Candidat à la présidentielle du 22 février, Kodjo est arrivé deuxième selon les résultats provisoires et officiels, mais il s’autoproclame président et multiplie les adresses à la nation comme chef d’Etat élu. Son immunité parlementaire fut levée sur demande du procureur de la République, et il est poursuivi pour troubles aggravés à l’ordre public, atteinte à la sureté de l’Etat, dénonciations calomnieuses, diffusion de fausses informations. Mais, à travers une assignation de l’Assemblée devant le tribunal de première instance de Lomé, il accuse de violation de ses droits dans la procédure.
D’après son Conseil d’avocats, la Commission spéciale mise en place par l’Assemblée nationale a méconnu les dispositions de l’article 19 de la constitution togolaise, « en ne permettant à aucun moment à Monsieur Kodjo, ni à son collègue qui l’a représenté, de consulter une clé USB produite par le Procureur de la République en appui à sa requête de levée de l’immunité parlementaire ». Aussi soutient-il, la commission spéciale a privé Mr Kodjo « de bénéficier du principe de l’égalité des armes et du principe du contradictoire dans toute procédure de cette nature ».
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Dès lors, Kodjo qui attend le verdict le 18 mai après l’audition du 7 mai, prépare son retour à l’Assemblée nationale, cette fois-ci pas, comme un président élu dont la victoire est « volée » mais comme un député, élu de la nation avec son immunité rétablie. « Il retournera à l’Assemblée mais avec son immunité parlementaire », assure un de ses proches collaborateurs, convaincu de sa victoire lors de la récente présidentielle. « Agbéyomé Kodjo est une victime de plus du système en place », assure un membre de la dynamique Kpodzro, qui l’a soutenu lors de la présidentielle du 22 février.
Le suffrage universel a décidé
Inculpé dans l’affaire d’atteinte à la sûreté de l’Etat, puis libéré sous contrôle judiciaire, Kodjo est contraint au silence sur la présidentielle du 22 février. Le 3 mai lors de la prestation de serment du président élu Faure Gnassingbé, Aboudou Assouma, patron de la Cour Constitutionnelle a été direct : « le suffrage universel a donc décidé, il n’y a plus personne pour s’y opposer. La cour constitutionnelle a déclaré élu Faure Gnassingbé dans sa décision du 2 mars 2020 ». Avant de menacer : « si d’aventure, par mégarde ou étourderie, quelqu’un s’y oppose, la force doit rester à la loi, dans sa rigueur, quelque soit l’âge de son auteur (…) ».
Officiellement Kodjo est crédité de 19,46% lors de la présidentielle contre 70,78% pour Faure Gnassingbé, déclaré élu.