La saison pluvieuse représente un cauchemar pour la centaine de commerçants de chaussures au marché de Hédzranawoe. Ils vivent actuellement un calvaire. Même si toute la bonne architecture du marché cache bien la réalité à certains visiteurs qui s’arrêtent à l’entrée, elle est tout autre au niveau de la zone des « vendeurs de chaussures de friperie ». Depuis le début de la saison pluvieuse, une grande partie de leur espace est occupée par l’eau, obligeant certains d’entre eux à rester confinés chez eux. Quelques-uns, rencontrés sur place décrivent leur désarroi et dénoncent « l’inconséquence » de l’EPAM ( (ETABLISSEMENT PUBLIC AUTONOME POUR L’EXPLOITATION DES MARCHES), en charge de la gestion du marché. Selon ceux-ci, la structure en charge de la gestion des marchés ne serait intéressée que par les taxes mensuelles. Reportage.
Samedi 7 heures du matin. Assis sur une pierre, Kodzo regarde de loin son espace, entièrement occupé par l’eau de la pluie tombée la veille. Alors que cela faisait plus de trois semaines, qu’il n’a plus exposé ses marchandises, il est à nouveau contraint de « retourner chez lui ». Pour lui, « la situation est insoutenable » face à l’indifférence qu’affiche l’EPAM à l’égard de leur infortune. Il raconte : « Je vais faire comment ? Quand il pleut, l’eau occupe complètement ma place et je dois attendre que l’eau tarisse au bout des semaines avant de venir m’installer. C’est une situation que je vis comme d’autres d’ailleurs, chaque période de pluie ; mais l’agent collecteur ne s’intéresse qu’à la perception de la redevance ». « Parfois je suis très peiné. Je suis très révolté, mais nous ne sommes que de pauvres commerçants étrangers ». Pour Akossiwa qui porte un enfant au dos, il est inadmissible de rester à la maison surtout lorsque la marmite est vide. Elle trouve « le spectacle affligeant ». Pis, fulmine-t-elle, « l’eau qui envahit leurs installations ne date pas d’aujourd’hui ». « Il aurait peut-être fallu une bonne volonté du gestionnaire du marché pour éviter la situation quasiment saisonnière que nous vivons chaque année », se désole-t-elle, les pieds dans l’eau devant ses marchandises. « C’est toujours la même réponse de la part de nos répondants, chaque fois que nous soulevons ce fait : nous viendrons travailler mais ce n’est jamais le cas et nous sommes ainsi obligés de faire avec, c’est insoutenable », s’emporte un autre commerçant. Si certains des commerçants sinistrés ne pourront pas occuper leur place au moins dans les trois mois qui viennent, d’autres par contre forcent la situation en disposant des pierres par endroit pour avoir accès à leur emplacement. « Ma famille et moi ne vivons que de cette activité ; si je reste à la maison pour attendre que l’eau tarisse complètement, où vais-je trouver de quoi nourrir ma famille ?», se demande Rachid.
3000 F Cfa par mois comme droit de place
Communément appelé « droit de place », le total par an revient pour chaque commerçant à 36 000 F Cfa. « L’agent percepteur ne sait que venir collecter les taxes. Il suffit que le mois finisse et il se pointe », dénonce l’un des commerçants, visiblement dépassé par la facture qui l’attend. «Je ne devrais pas payer la redevance au titre des mois où je n’ai pas pu m’installer ici ni vendre parce que l’eau a occupé ma place. Mais le collecteur ne voit pas ce côté ». « Qu’on réalise des ventes ou non, ils viendront (ndlr : les agents de l’EPAM) vous tendre le ticket », fulmine le jeune Kossi, togolais qui aide souvent un commerçant ibo pour gagner sa pitance. Mais dans la situation actuelle, les responsabilités sont partagées, reconnait John. « Il y a des canalisations qui ont été dressées pour faire couler l’eau de pluie mais bouchées par nos propres frères qui y jettent des chaussures gâtées ou usées, empêchant l’eau de couler et entraînant la stagnation ». «Même si c’est en partie notre faute, à aucun moment des travaux de curage n’ont été organisés or c’est pour cela que nous payons les taxes », se défend Abdoul. Justement une retenue d’eau a été prévue pour recueillir l’eau de pluie. Mais une fois remplie, elle redevient un problème entier. « Ce n’est pas notre faute, ce problème, une chose est que l’eau ne passe plus ; mais la petite quantité qui traverse ne trouve pas d’espace non plus. Que c’est drôle », a déclaré Joe, qui mène ses activités commerciales au marché depuis une vingtaine d’années.
Des travaux en cours
Pour faire face à ce problème, l’EPAM aurait lancé des travaux de curage et de pompage de l’eau dans le bassin de rétention construit à cet effet. « Les travaux consisteront à dégager les objets qui bouchent les caniveaux mais également à étendre le bassin, histoire de permettre de recueillir l’eau de pluie en grande quantité», nous a-t-on confié sur place. Les matériels sont installés à cet effet par l’entreprise Centro, en charge de l’exécution du marché. « Toutefois, les travaux seront difficiles à réaliser », nous murmure une source qui révèle que les « travaux de ce genre remontent à une période très lointaine » du fait que dans la retenue d’eau, ce n’est plus de l’eau mais de la boue. « C’est un travail qui devrait être réalisé en période sèche et non pluvieuse », estime un agent. Mais à période exceptionnelle, réponse exceptionnelle.
Des actions pour éviter toute dégradation précoce
D’abord, les commerçants veulent une fois les travaux achevés, mettre en place un petit comité de « police » qui veillera à ce que les gens ne jettent plus en désordre des déchets dans les caniveaux et canalisations empêchant l’eau de pluie de couler tranquillement. Les commerçants souhaitent aussi la mise en place des poubelles au sein du marché pour éviter que d’autres ne transforment les caniveaux en dépotoir, et mettre fin à la situation désagréable vécue aujourd’hui. Ils demandent à l’EPAM de revoir aussi sa gestion du marché et souhaitent un meilleur entretien de leur espace qui, normalement incombe au gérant. « Parfois les toits de nos appâtâmes sont perforés et en période de pluie, nos marchandises sont trempées ou arrosées ». « Nous voulons des réponses adéquates et pérennes », ont-ils souhaité lors de notre reportage.