Après le sommet du « G20 Compact withAfrica » à Berlin, la deuxième édition de « One Planet Summit » à New York, le sommet de l’Alliance solaire internationale (ASI) à New-Dehli, le sommet du groupe des BRICS et de l’Afrique à Johannesburg,le 7è FOCAC à Pékin l’an dernier, Kigali au Rwanda lors de la 7e édition du AfricaCeo Forum en mars dernier, et Londres récemment, le Plan national de développement (PND, 2018-2022) était à nouveau au cœur d’un forum économique cette fois-ci Togo-Union Européenne (UE) à Lomé.
La rencontre a mobilisé plus de 1000 participants dont 300 venus des 28 Etats de l’UE. Ce fut, deux jours d’intenses activités ponctuées d’une table-ronde de haut-niveau animée par l’ami du Togo Aliko Dangote, l’éminent professeur Carlos Lopes…, et d’une dizaine de sessions parallèles thématiques. Occasion pour le chef de l’Etat togolais Faure Essozimna Gnassingbé et son équipe de gouvernement de vendre davantage les opportunités d’investissement et de partager les ambitions du Plan national de développement (PND). La réalisation de ce plan quinquennal coûtera plus de 4622 milliards de F Cfa et permettra au pays d’atteindre à l’horizon 2022 une croissance de plus de 7% et de créer sur la même période 500 000 emplois. Retour sur les 48 heures qu’aura duré le premier forum Togo-UE.
Contexte
Lancé le 4 mars dernier à Lomé, le Plan national de développement (PND, 2018-2022) continue d’être promu par les plus hautes autorités togolaises au plan local et l’international. Les 13 et 14 juin, les projets structurants de cet ambitieux plan de développement ont été au centre des différents panels et table ronde lors du premier Forum Togo-UE. A la manette Faure Gnassingbé et son gouvernement. D’un coût estimé à 4 622 milliards de francs CFA (7 milliards d’euros), ce Plan entend s’adosser aux résultats de la Stratégie de croissance accélérée et de promotion de l’emploi (SCAPE, 2013-2017) qui a permis au pays d’engranger une croissance moyenne de 5,6 % contre un taux moyen de 3,9 % sur la période 2007- 2013.
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Dans le scénario optimiste, l’impact du PND permettrait à la croissance de s’accélérer à partir de 2019 pour s’établir à 7,6 % en 2022, soit une moyenne de 6,6%. Adopté par le gouvernement en août 2018, le PND, conçu pour la période 2018-2022 vise la transformation structurelle de l’économie togolaise qui a affiché une croissance proche de 5% en fin d’année 2018. D’après les projections du PND, l’effet du plan serait tel qu’il permettrait au pays de créer au moins 500 000 emplois, et in fine d’accroître le revenu par tête de 9,7 %.
Le Plan s’articule autour de trois axes à savoir la création d’un un hub logistique d’excellence et un centre d’affaires de premier ordre dans la sous-région, le développement des pôles de transformation agricole, manufacturiers et d’industries extractives et la consolidation du développement social et le renforcement les mécanismes d’inclusion. Avec 65% de son financement réservé au secteur privé, le gouvernement togolais se déploie pour mobiliser véritablement le financement nécessaire à la réalisation des objectifs de ce plan quinquennal. Les initiatives de haut-niveau se multiplient aussi bien en bilatéral qu’en multilatéral, mais beaucoup plus à l’extérieur du pays. Après, la dernière en date, le sommet Togo-Royaume Uni pour l’investissement qui s’est tenu à Londres, Lomé a décidé de réunir sur sa terre les investisseurs de l’espace européenne. Une rencontre économique couronnée de succès. Déjà on annonce une promesse ferme d’investissement de l’ordre de 853 milliards de francs CFA (1,3 milliards d’euros) en faveur de 141 projets.
Forum Togo-Union Européenne
Inauguré par Faure Gnassingbé, le Forum économique Togo-UE a connu une forte participation des investisseurs plus que le nombre prévu. 400 participants attendus au départ dont 300 de l’espace européenne, ils étaient au final selon la délégation de l’Union Européenne au Togo, 1000 participants dont la moitié est venue des Etats-membres de l’espace Schengen.
Dans son discours d’ouverture des travaux le 13 juin, le chef de l’Etat togolais a rappelé les ambitions du Togo et les résultats attendus du forum : «les présentes assises sont une occasion privilégiée d’apprécier davantage les potentialités du Togo et de traduire les opportunités en contrats et mieux en projets ». Et d’ajouter que « le progrès est un long cheminement solidaire. Nous en sommes d’autant plus convaincus que c’est par votre mobilisation à tous que cette importante rencontre sera une réussite ».
Et c’est au vice-président de la Commission de l’Union Européenne, commissaire chargé de l’emploi et l’investissement Jyrki Katainen de certifier cet esprit de solidarité dans les relations de coopération nord-sud. « Dans un monde en mutation, nous devons moderniser et renforcer nos alliances » a-t-il déclaré en substance dans son intervention.En marge de la cérémonie d’ouverture du Forum, le Commissaire européen a procédé au lancement officiel de la Chambre de commerce européenne du Togo, dirigée par le togolais Charles Gafan du groupe Bolloré. A le croire, « c’est une étape importante pour créer davantage d’investissements, de développement et de coopération dans le pays (…) la nouvelle chambre de commerce, est très importante pour la Commission européenne, car elle met les yeux et les oreilles des entreprises des 28 États membres au Togo. La caméra peut aider les autorités togolaises à rendre le pays plus attractif pour les investissements », a-t-il précisé.
Les travaux seront alors lancés par une table-ronde animée par des sommités en présence du Chef de l’Etat. Placée sous le thème «développement soutenu, inclusif, durable et équilibré du Togo» et modérée par Mario PEZZINI, Directeur du Centre de développement OCDE, la session a été animée par le professeur Carlos LOPES, PND chief officer et ancien Secrétaire Exécutif des Nations Unies pour la Commission économique pour l’Afrique (CEA),Aliko DANGOTE, PDG du Groupe éponyme et richissime homme d’affaires nigérian, et Etienne GIROS, Président d’European Business Council for Africa (EBCAM), Président délégué de Conseil français des investisseurs en Afrique (CIAN). Pour «l’ami du Togo » -comme l’a affectueusement appelé le Chef de l’Etat dans son discours d’ouverture- et la première fortune africaine, AlikoDangote, le Togo dispose d’énormes atouts pour s’imposer comme une plaque tournante dans la sous-région surtout le Port de Lomé, le seul en eau profonde d’Afrique de l’Ouest.
« Au Togo, vous avez tous les atouts pour faire l’agriculture : la terre, le climat, l’eau. Alors, le Togo doit freiner ses importations. Le pays peut produire tout ce qu’il consomme parce qu’aucune politique économique durable ne peut se mettre en place avec un élargissement effrénée de la balance commerciale. Vous ne pouvez pas survivre longtemps à 8 milliards d’importations et 2 milliards d’exportations », a-t-il déclaré.
Il ajoute qu’avec à son actif le seul port en eau profonde aujourd’hui en Afrique de l’ouest, « le Togo peut exporter facilement tout ce qu’il produit vers le marché de la CEDEAO qui fait plus de 350 millions ». « Avec ce marché qui s’agrandit davantage grâce à la Zone de libre-échange continentale (ZLEC), nous pourrons attirer plus d’investissements locaux et étrangers », a-t-il poursuivi.
Une intervention couronnée par d’approches de solutions, conformément à l’esprit du Forum. Pour le milliardaire nigérian, le Togo doit penser à l’agro-business. De ce fait, formule-t-il, « j’aimerais voir dans le cadre de ce partenariat avec l’Ue, le Togo transformer son coton, exporter des habits pour satisfaire la demande mondiale, adresser la demande européenne, mondiale ».
Selon l’éminent professeur Carlos Lopes, malgré les nombreuses réformes entamées et reconnues par les différents rapports dont le Doing Business de la Banque mondiale, le Togo doit poursuivre les réformes et garantir un climat politique apaisé.
L’ancien directeur du Fonds Monétaire international (FMI), Dominique Strauss-Kahn, DSK, intervenant lors d’une seconde session plénière en présence du Chef de l’Etat autour du thème, « Togo, le centre d’affaires, d’investissement et de la haute finance émergente d’Afrique de l’ouest » estime de son côté que le pays doit « régler le problème bancaire » pour redevenir «un centre financier majeur de la région » surtout en facilitant l’accès des PME aux financements.
Une situation dont les raisons fondamentales ont été évoquées par le ministre de l’économie et des finances, Sani Yaya. Malgré la disponibilité de la liquidité dans les banques selon le ministre, les institutions bancaires restent prudentes pour le financement des projets portés par les entrepreneurs. « Le secteur bancaire a, à la date du 10 juin, plus de 1500 milliards de liquidité, une liquidité qui cherche à financer des initiatives », avait-il confié. Le gouvernement togolais s’active à mettre en place des mécanismes adéquats pour « dé-risquer » le financement de certains secteurs porteurs surtout l’agriculture, ceci dit-il, « pour encourager les banques à financer davantage ». Des initiatives qui restent insuffisantes, malgré les résultats engrangés. Outre faire appel aux banques pour financer leurs projets, les PME peuvent également faire recours au marché financier régional, a d’ailleurs proposé le directeur de la BRVM-Bourse régionale des valeurs mobilières, Edoh Kossi Amenounve. Un programme de formation est mise en place par le Bourse afin d’accompagner les PME togolaises et d’autres pays.
« Je pense qu’avec cette dynamique de développement que le PND va instaurer, il y aura plus d’ouverture pour que des entreprises togolaises puissent venir, à travers aussi bien des privatisations, que par des admissions volontaires sur le marché financier régional, et c’est une bonne nouvelle pour la Bourse », a-t-il confié dans une interview à 24heureinfo.
D’autres opportunités de grande envergure ont été également exposées : qu’il s’agisse du programme des agropoles dans le secteur agricole par le ministre de l’agriculture, Koutéra Bataka, de la politique d’électrification du Togo par le ministre des mines, Ably Bidamon ou encore dans le secteur du tourisme d’affaires par le ministre Kossivi Egbetonyo, et des industries par le ministre en charge, Kozo Adedzé. Mais leur réalisation a besoin de véritable partenaire au développement comme l’Union Européenne, ont rappelé les ministres en charge de la coopération, Tignokpa-Demba et son collègue des affaires étrangères, Robert Dussey.
Des projets comme le dédoublement de la route la nationale n°1 ou de la boucle ferroviaire du corridor Lomé-Ouagadougou puis des programmes de réformes du secteur éducatif et de la santé ont été aussi exposés aux investisseurs lors des différents panels sans bien évidemment oublier les réformes judiciaires.
Le Forum a aussi permis aux jeunes entrepreneurs sous le parrainage de la Chambre du commerce et d’industrie du Togo (CCIT) d’exposer des produits made in Togo. Leur porte-parole Komlan Bessanh, encourage l’Etat à mettre en place un système de garanties au nom de certains jeunes entrepreneurs de référence leur permettant d’accéder à des financements nécessaires à leur industrialisation et à leur croissance. Les jeunes entrepreneurs demandent également des sites pour l’installation de leur future industrie de transformation. Dans la foulée, la ministre en charge de la jeunesse, Victoire Tomégah-Dogbé est revenue en substance sur les mécanismes mis en place par l’Etat pour accompagner les jeunes entrepreneurs Togolais, comme le Fonds d’appui aux initiatives économiques des jeunes, PRADEB, le programme de volontariat, le Fonds national de la finance inclusive etc…. « Ces différentes initiatives ont affiché des résultats encourageants et très satisfaisants », s’est-elle félicitée lors d’une intervention. Damien Mama, de son côté, coordinateur du Système des Nations unies au Togo a salué les efforts du Togo et précisé que le pays est le seul pays aujourd’hui à avoir présenté trois fois successives un rapport sur la mise en œuvre des Objectifs de développement durable (ODD) devant les Nations Unies. Mais pour lui, l’Etat a besoin des partenaires solides pour absorber l’excédent de diplômés sur le marché. Près de 40 000 jeunes sont déversés chaque année sur le marché et l’Etat ne peut faire face, seul à la problématique de l’emploi des jeunes et femmes », a-t-il relevé.
Des audiences
En marge des travaux, au premier jour, Faure Gnassingbé a reçu plusieurs personnalités présentes à Lomé dans le cadre dudit forum.
Il s’agit du vice-président de la Commission européenne en charge de l’emploi, la croissance, l’investissement et la compétitivité, M. Jyrki Katainen, de M. Etienne Giros, président du Conseil français des investisseurs en Afrique (CIAN), du Prof. Carlos Lopès, ancien secrétaire exécutif des Nations Unies, chargé de la Commission Economique pour l’Afrique (CEA), de M. Chief Adisor du ND. Il a conféré également avec M. Vincent Lalu, président directeur général du Groupe Moniteur du Commerce International (MOCI) et le président du Cosmos Group, M. Anil K. Agarwal.
Au deuxième jour, M. Gnassingbé a échangé avec l’ex-premier ministre du Bénin, Lionel Zinsou et d’autres hommes d’affaires. Le premier ministre Klassou a aussi eu des entretiens et effectué des séances de travail avec des délégations d’investisseurs.
Toutes ces personnalités sont allées féliciter le chef de l’Etat pour l’organisation de ce forum inédit, qui offre une opportunité aux hommes d’affaires de divers horizons, de découvrir les potentialités du Togo.
de l’avis des organisateurs, ce somment inédit est une réussite totale qualifiée d’ailleurs par l’Union Européenne de « fulminant ». «Le processus d’émergence est bel et bien enclenché au Togo et est en cours de réalisation », a déclaré le premier ministre Klassou dans son discours de clôture, ajoutant que « Le Togo a besoin d’être accompagné dans sa marche vers le progrès ».
Pour Germain Meba, le président de la Chambre de commerce et d’industrie du Togo, « ce Forum économique qui s’achève, est le parfait exemple du partenariat économique qui gagne, soutenu par une Coopération internationale » « Maintenant, il s’agit de tirer le meilleur profit de ce forum et de travailler ensemble… L’UE est prête à intensifier son soutien », souligne , Bruno Hanses chargé d’affaires à la délégation de l’UE à Lomé, qui appelle Lomé à « poursuivre sans relâche la politique des réformes ». Des séances Match-marking B2B, réseautages étaient également au centre des échanges.
Notons pour rappel que les investissements directs étrangers vers le Togo ont déjà atteints 102 millions de dollars en 2018, soit une hausse de 15%, selon les données du World Investment Report. Ces investissements connaitront à coup sûr une hausse exceptionnelle d’ici 2022 à travers le financement des projets structurants du Plan National de Développement (PND).