
Transféré en urgence le 21 juin vers la Belgique pour des soins médicaux, le président centrafricain Faustin-Archange Touadéra laisse planer une incertitude politique dans un pays déjà fragilisé par les tensions sécuritaires et l’échéance électorale.
C’est dans la plus grande discrétion que Faustin-Archange Touadéra a quitté Bangui, le 21 juin à l’aube, à bord d’un avion médicalisé affrété spécialement pour son évacuation. Victime d’un grave malaise quelques heures plus tôt lors d’une réunion à la présidence, le chef de l’État centrafricain a été transféré d’urgence à Bruxelles, où il est actuellement pris en charge à l’hôpital Delta, établissement réputé de la capitale belge.
L’opération, pilotée selon nos informations par Dimitri Mozer, consul honoraire de la Centrafrique en Belgique et fidèle parmi les fidèles du président, s’est déroulée dans un climat de grande tension. Initialement, une escale à Alger avait été envisagée, mais l’équipe médicale, en accord avec l’entourage présidentiel, a opté pour Bruxelles, ville disposant des ressources nécessaires pour stabiliser son état.
Un cercle restreint au chevet du président
À ses côtés dans la capitale belge : son médecin personnel, sa seconde épouse Tina Touadéra, et Dimitri Mozer. Plusieurs hauts responsables centrafricains, dont le directeur de cabinet, lui ont rendu visite depuis son admission. L’état du président, qui suscitait des inquiétudes après une aggravation rapide de ses symptômes à son domicile de Boy-Rabe, s’est stabilisé. Il devra toutefois rester hospitalisé au moins une semaine.
Une absence qui fragilise l’exécutif
À Bangui, cette hospitalisation prolongée du chef de l’État fait naître de nombreuses interrogations. À quelques mois de l’élection présidentielle prévue début 2026, et dans un contexte de forte volatilité sécuritaire, l’absence du président suscite une inquiétude palpable dans la capitale. Le spectre d’une vacance du pouvoir, bien que non évoqué officiellement, alimente les spéculations dans les cercles politiques.
Connu pour sa méfiance envers les figures politiques extérieures à son cercle familial et son entourage immédiat, Touadéra laisse derrière lui un pouvoir fragmenté, difficile à manœuvrer. Une poignée de proches – parmi lesquels le ministre de la Défense Claude Rameaux Bireau, le président de l’Assemblée nationale Simplice Mathieu Sarandji et le Premier ministre Félix Moloua – s’efforcent de maintenir la continuité de l’État.
Enjeux politiques et sécuritaires
Cette hospitalisation survient à un moment stratégique. Mi-juin, Touadéra avait signé à N’Djamena un accord préliminaire avec plusieurs chefs de groupes armés, censé poser les bases d’une sécurisation du processus électoral. Ce texte, largement salué par les chancelleries africaines, reste pourtant fragile sur le terrain, où les groupes rebelles contrôlent toujours plusieurs régions du nord et de l’est.
Parallèlement, l’opposition, bien que marginalisée ces dernières années, continue de contester la légitimité du troisième mandat du président, remporté en 2020 dans des conditions dénoncées par de nombreux observateurs. La perspective d’une nouvelle élection, combinée au départ progressif des mercenaires de Wagner et à une présence annoncée du groupe Africa Corps – soutenu par Moscou – alimente l’instabilité.
Une transition sous surveillance
À Bruxelles, les proches du président veulent se montrer rassurants. Mais à Bangui, la tension est palpable. Les diplomates restent en alerte, tandis que les chancelleries occidentales observent la situation avec prudence. Dans l’ombre, certains cadres du parti présidentiel MPC (Mouvement des cœurs unis) s’activent déjà pour préparer une éventuelle transition, même non officielle.
Le retour du président, prévu dans quelques jours si son état le permet, pourrait calmer les esprits. Mais en Centrafrique, rien n’est jamais simple. Et le silence prolongé de Touadéra pourrait bien relancer une recomposition politique inattendue.
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