Société

Togo :des profils rouges envahissent les réseaux sociaux

C’est un phénomène numérique qui n’aura échappé à personne : depuis les premières heures du jeudi 5 juin, les réseaux sociaux togolais se sont teintés d’un rouge éclatant. Des centaines, voire des milliers de profils Facebook, X (ex-Twitter) et WhatsApp ont changé d’image ou de filtre, adoptant la couleur rouge en guise de symbole. En toile de fond, un mot d’ordre non officiel mais largement repris : faire du 6 juin, anniversaire du président du Conseil Faure Gnassingbé, une journée de contestation silencieuse mais visible.

Un « cadeau » contestataire

À l’appel de plusieurs figures de la société civile numérique, des influenceurs, activistes ou simples citoyens se sont mobilisés virtuellement pour dénoncer ce qu’ils qualifient de « 20 ans d’immobilisme et de souffrance ». Selon les publications consultées par 24heureinfo, le rouge n’est pas ici festif. Il évoque plutôt la colère, l’alerte, voire le sang, celui de toutes les victimes des abus, selon certains messages publiés.

« Nous avons décidé de dire stop« , écrit une internaute sur Facebook, partageant un visuel entièrement rouge avec en légende : « 6 juin, pas de gâteau, pas de joie, juste un rappel que le peuple saigne ».

Un ras-le-bol porté par les réseaux

La campagne, spontanée mais bien orchestrée, intervient dans un climat social sous tension. Depuis plusieurs semaines, les hausses tarifaires sur l’électricité et la vie chère ont alimenté un sentiment d’exaspération générale.

Dans la nuit du 5 au 6 juin, des concerts de casseroles et de vuvuzelas ont été signalés dans plusieurs quartiers de la capitale, notamment à Bè, Adéwui, Akodésséwa et Agoè. « C’était symbolique, mais bruyant », rapporte un habitant d’Agbalépédogan joint par téléphone. « On voulait montrer qu’on n’est pas dupes. Ce n’est pas une fête, c’est un signal. »

Le contraste avec les célébrations habituelles

Habituellement, l’anniversaire du président du Conseil s’accompagne de messages de félicitations officiels, d’affiches numériques de jeunes se réclamant du parti au pouvoir, et de quelques festivités dans les quartiers. Cette année, le décor est radicalement différent.

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LAISSER UN AVIS

Du côté des autorités, c’est le silence. Aucun communiqué officiel n’a été émis en réponse à cette campagne. Le gouvernement n’a pas non plus pris la parole pour commenter le phénomène, restant fidèle à « une posture de réserve ».

L’ombre d’Aamron

Autre élément qui a marqué cette journée particulière : la réapparition surprise du chanteur contestataire Aamron. Disparu depuis son interpellation le 26 mai dernier, l’artiste est apparu dans une vidéo où, d’un ton posé, il « présente ses excuses » à Faure Gnassingbé. La courte séquence, visiblement enregistrée dans un cadre médicalisé, a fait le tour de la toile en quelques minutes.

Des voix s’élèvent pour dénoncer une mise en scène. « Il a l’air fatigué, ce n’est pas Aamron qu’on connaît », commente un utilisateur de X. D’après des proches de l’artiste contactés par 24heureinfo, il serait actuellement interné à l’hôpital psychiatrique de Zébé, où il aurait reçu des traitements.

Pour les observateurs, cette mobilisation numérique marque un tournant dans les modes de contestation au Togo. Le digital devient l’arène privilégiée pour faire entendre des voix discordantes, dans un contexte où les libertés de manifestation sont de plus en plus encadrées.

« Ce n’est pas juste une couleur sur les écrans », analyse un sociologue. « C’est un signal social fort ».

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