L’affaire de détournement des fonds au sein du Comité de Suivi des Fluctuations des Prix des Produits Pétroliers (CSFPPP) baptisée « pétrolegate » connait un rebondissement au quotidien. Si le journal L’Alternative et son directeur qui ont révélé les faits font l’objet d’une poursuite judiciaire, le rapport d’audit commandité par le gouvernement est déjà entre les mains de la Première ministre. Ainsi, dans une démarche de transparence, la Ligue togolaise des consommateurs a saisi le 28 octobre 2020, la Première ministre aux fins d’ordonner la publication complète du rapport.
« Les citoyens veulent, au moins une fois, savoir sur la véracité de ces informations qui s’analysent en de véritables crimes et scandales financiers, avec de réelles et fâcheuses conséquences sur l’économie du Togo », écrit le président de la LCT, Emmanuel Sogadzi à la Première ministre Victoire Tomégah-Dogbé.
En intégralité la lettre
Lomé le, 28 octobre 2020
Réf: 53/10/2020/LCT/PR
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Le Président
A
Madame le Premier Ministre,
Chef du Gouvernement Togolais,
Lomé-TOGO
Objet : Affaire des détournements dans la commande du pétrole au Togo
Madame le Premier Ministre,
La corruption est un phénomène qui s’installe là où le terrain est propice. Aussi longtemps que les différents cas de corruption bénéficient du silence de ceux ou de celles qui ont la charge de la déloger, toutes les portes resteront ouvertes à la corruption si les auteurs bénéficient de l’impunité la plus totale, entendu que le crime nourrit l’impunité et l’impunité se nourrit du silence. La corruption, c’est parce qu’elle gangrène le développement sur tous les plans et sous toutes ses formes qu’il faut s’attaquer à elle en mettant des gardes fous et des institutions fiables, crédibles et opérationnelles en place. Combattre la corruption doit être l’affaire de tous et de chacun dans toute société qui se veut une vie harmonieuse, par la défense et le renforcement des valeurs éthiques. C’est pour ces raisons que notre organisation ne cesse d’attirer votre attention sur des cas de corruption révélés dans le pays par des journaux de la place.
En effet, le bihebdomadaire « L’alternative » dans sa parution numéro 879 du 9 juin 2020, a rendu public un article intitulé : « Importation du pétrole/les dessous d’un grand scandale ». Le même article a souligné, avec forces détailles, les rouages des importations de ce produit très stratégique qu’est le pétrole. Au vu des différents développements, nous constatons avec grand regret que des détournements de faramineuses sommes seraient organisés par la coordination du Comité de Suivi des Fluctuations des Prix des Produits Pétroliers (CSFPPP) depuis plusieurs années. Des centaines de milliards seraient indûment empochés par les personnes mises en cause dont les nommés Francis Adjakly (l’ancien président du Comité), Fabrice Adjakly (son fils) et autres.
Monsieur Adjakly Fabrice a, dans la foulée, porter plainte contre le journal qui est à l’origine de ces révélations ; le dossier de la procédure est encore pendant devant le tribunal de grande instance de Lomé. La Ligue des Consommateurs du Togo, au nom des intérêts collectifs des consommateurs, s’est régulièrement et valablement constituée partie civile dans le but d’accompagner et d’encourager la justice, ainsi que l’administration à lutter contre la corruption.
Nous avons appris depuis un bon moment que la Présidence de la République a commandité un audit des comptes du CSFPPP dans le but de faire triompher la vérité.
Dans sa parution du 27 octobre 2020, le journal Le Médium écrit « Dernière minute/Pétrole : L’inspection Générale des Finances rend son rapport d’audit et fait des recommandations discutables ». Il est clair que les travaux de contrôles des comptes du CSFPPP sont arrivés à termes et que le rapport est donc disponible. Aux termes des dispositions de l’article 38 de la Constitution togolaise du 14 octobre 1994, « Il est reconnu aux citoyens et aux collectivités territoriales le droit à une redistribution équitable des richesses nationales par l’État ».
En outre, Madame le Premier Ministre, vous en êtes liée par votre Déclaration de Politique Générale du 2 octobre 2020 que vous avez prononcée devant la Représentation Nationale, dans laquelle vous avez souscrit à une gestion transparente du patrimoine national, et notamment en ses points 20, 23 et 71 : « 20 : Cependant, Mesdames, Messieurs, parce que nous entendons des messages de nos concitoyens et parce que notre pays est en construction, nous savons que tout n’a pas été réussi comme nous l’aurions souhaité. En effet, les aspirations légitimes des populations togolaises demeurent encore nombreuses et plusieurs défis doivent être relevés pour y répondre. Les outils pour ce faire existent et nous entendons nous en saisir.
Il s’agit notamment de renforcer l’efficacité de l’action publique ; d’améliorer la coordination entre les secteurs, d’accroître la mobilisation des ressources et de rendre plus efficiente la répartition des richesses ». « 21. C’est aussi un Togo, avec un État qui prend soin du citoyen et réalise ses attentes, qui combat la précarité, les inégalités, l’insécurité et la vulnérabilité. Sa vision, c’est encore et surtout un Togo de grande prospérité, d’une réelle inclusion, et d’une forte cohésion sociale, un pays où l’on produit plus de richesses, et où règne une forte solidarité envers les moins favorisés ». « 71.
Pour sa part, le Gouvernement prend l’engagement de travailler toujours, avec plus d’efficacité, plus de méthode, plus de célérité et dans la rigueur, pour la recherche permanente de solutions aux préoccupations quotidiennes des Togolais ». Cette obligation redditionnelle suppose une gestion saine et transparente des affaires de la cité ; exige d’ailleurs que votre gouvernement assume ses responsabilités et traduise ses engagements en actes ; qu’il soit responsable vis-à-vis des citoyens togolais et leur rendre compte de la manière dont il gère les ressources publiques. Sur donc la base de la Loi N° 2016-006 30 mars 2016 portant liberté d’accès à l’information et à la documentation publique ainsi que sur le droit fondamental des consommateurs à l’information, nous estimons que la première et sérieuse mesure qu’il revient à prendre par votre Cabinet est d’ordonner la publication du rapport d’audit afin de situer d’avantage l’opinion nationale sur l’orthodoxie de la gestion des fonds collectés par le CSFPPP depuis sa création.
La force gouvernementale que vous incarnez vous oblige, Madame le Premier Ministre, à vous saisir de cette affaire pour situer le peuple togolais au nom et pour lequel vous avez bâti votre programme gouvernemental. Les citoyens veulent, au moins une fois, savoir sur la véracité de ces informations qui s’analysent en de véritables crimes et scandales financiers, avec de réelles et fâcheuses conséquences sur l’économie du Togo.
Tout en espérant que vous mesurerez l’importance et la portée de ce dossier, vous assurant de sa constante disponibilité à encourager les initiatives de lutte contre la corruption, la Ligue des Consommateurs du Togo vous prie d’agréer, Madame le Premier Ministre, l’expression de sa considération distinguée.
Emmanuel Yao H. SOGADJI
Ampliations
– Madame la Présidente de l’Assemblée Nationale
– Messieurs les Présidents des groupes parlementaires
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